Une nouvelle ère s’ouvre à l’Institut des routes, des rues et des infrastructures de mobilité (Idrrim): le président-fondateur, Yves Krattinger, passe le relais à Claude Riboulet, après 14 ans de mandat. Certains verront une forme de changement dans la continuité, puisqu’un président de département rural, l’Allier, succède à un président de département rural, la Haute-Saône. Toutefois, la feuille de route de Claude Riboulet passe par quelques évolutions majeures, reflets des enjeux liés aux nouvelles mobilités et à la décarbonation. Comme l’a rappelé Yves Krattinger en clôture du congrès de l’Idrrim organisé à Montpellier, le 27 mars, l’Institut a été constitué en réunissant «trois familles d’acteurs, l’Etat et ses services, les entreprises, et les collectivités locales». Il y a 15 ans, le principal objectif était de préserver le patrimoine routier tout en répondant aux besoins d’ingénierie des collectivités, après des années de sous-investissement et de dépréciation du mode routier. L’engagement d’Yves Krattinger, sa force de conviction, ont largement contribué à cette prise de conscience : la route reste et restera le support principal des dépacements de personnes et de marchandises. «70% des mobilités continueront à passer par la route en 2050», souligne Jean-Pierre Paseri, président de Routes de France. Mais les évolutions sont bel et bien à l’œuvre. Ainsi, le chiffre d’affaires des entreprises du secteur provient à présent à 80% des aménagements urbains ou de l‘entretien des infrastructures existantes. Les nouvelles routes ne représentent plus que 10% de l’activité. Et les mobilités se transforment: plus douces, plus actives, et toujours plus décarbonées.
Parallèlement, l’Etat se décharge de plus en plus de la compétence routière pour la transmettre aux collectivités. «Même si l’Idrrim n’a pas vocation à s’exprimer sur le modèle économique, il est nécessaire d’aborder l’enjeu budgétaire, indique Claude Riboulet. L’Etat doit-il rester le seul à pouvoir mettre en concession des réseaux alors que la compétence a été transférée au fil des lois de décentralisation?» Pour la même raison, le nouveau président veut ouvrir l’Idrrim aux Régions (dont certaines expérimentent la gestion d’une partie du réseau routier), mais aussi aux constructeurs de véhicules et aux nouveaux usagers de la route, et mettre fin à la segmentation entre infrastructure et usage. En matière de partage des bonnes pratiques, Claude Riboulet veut diffuser et vulgariser davantage afin de mieux faire rayonner les travaux de l’Idrrim, en particulier l’Observatoire des routes. Ces approches ont d’ailleurs déjà été discutées au sein de l’Institut, et ont commencé à se traduire dans le Pacte d’engagement signé en 2021. Depuis, le cadre règlementaire a lui aussi évolué, avec l’instauration du principe de Zéro artificialisation nette (ZAN), réponse indispensable au réchauffement climatique. La trajectoire d’adaptation à +4°C, fixée par le Gouvernement, permet désormais d’affiner les scénarios. Reste à réaliser l’ensemble des interventions nécessaires, à la fois pour consolider et adapter ce qui doit l’être, mais aussi pour équiper l’ensemble des routes françaises en infrastructures de charge électrique ou hydrogène.
Sandrine Garnier