Passage à niveau de Bordes dans les Hautes-Pyrénées

Le BEA-TT veut encore améliorer la sécurité aux passages à niveau

14 02 2024 | Actualités

«En vingt ans, le BEA-TT a ouvert 268 enquêtes et émis un peu plus de 800 recommandations de sécurité…, a indiqué Jean-Damien Poncet, directeur du BEA-TT lors du séminaire organisé à l’occasion des vingt ans de l’organisme le 8 février 2024. Les recommandations du BEA-TT doivent être exigeantes mais réalistes. Par exemple, nous n’allons pas préconiser de consolider tous les ponts, couper tous les arbres, déniveler tous les passages à niveau [PAN]: cela représente un coût de 45 M€ par PAN, il en existe 15.000 en France…».

Un pragmatisme qui conduit le BEA-TT à considérer qu’il ne faut pas inverser l’ordre des facteurs d’accidents: par exemple, cette année, la SNCF a décidé, en accord avec l’EPSF, de ne plus arrêter tous les trains lorsqu’une personne circule sur les voies en Île-de-France et de rouler à vue. «Si demain un accident survient, nous ne demanderons pas d’arrêter les trains à nouveau, a prévenu Jean-Damien Poncet. Il faut que les trains roulent. Le responsable sera l’intrus sur les voies. Nous espérons que le jour où un accident arrivera, la justice tiendra le même raisonnement…»

Au final, les recommandations du BEA-TT sont destinées à éviter la répétition de nouveaux accidents analogues. Il subsiste néanmoins des points noirs à l’exemple des accidents aux passages à niveau (PAN), le nombre de tués ayant doublé en 2023 par rapport à l’année précédente malgré les efforts de pédagogie entrepris. Le BEA-TT a ainsi monté un groupe de travail avec l’EPSF sur les PAN: «Le contrôle-sanction automatisé de la vitesse des automobilistes a permis d’éviter 20.000 morts. Il faudra sans doute l’appliquer pour les PAN, car ce sont en général des accidents routiers…», a expliqué Jean-Damien Poncet.

«La quasi-totalité des accidents résulte du franchissement d’un PAN signalant le danger par le conducteur ou le piéton, a confirmé Rodolphe Gintz, directeur général de la DGITM. Cela implique de comprendre les attitudes des usagers pour prévenir les comportements à risques et adapter notre politique en conséquence, mais cela ne doit pas devenir un frein à l’innovation». 

Les technologies aident déjà à éviter des accidents. «Le système KVB [contrôle de vitesse par balises] qui existe depuis 30 ans pour les trains, a contribué à faire baisser le niveau d’insécurité», a rappelé Laurent Cebulski, directeur général de l’EPSF. Luc Laroche, directeur de programme Innovation Système Ferroviaire du groupe SNCF, croit également à l’apport de la digitalisation pour parer, par exemple, aux risques d’incendie dans les trains à batteries avec un système de commande et de contrôle de ces batteries.

Parallèlement, cette digitalisation va aussi entraîner une augmentation des problèmes d’exploitation et de pannes liées, par exemple, à des trous dans la couverture télécom ou des risques cyber qui pourraient notamment empêcher la localisation des trains: «Il faudra prévoir des systèmes alternatifs et être capable de gérer des situations en mode dégradé avec papier et crayon…», a expliqué Luc Laroche.

La généralisation des automatismes comporte également de nouveaux risques: «Moins il arrive d’incidents, moins on est vigilant: comment on maintient cette nécessaire vigilance ?», s’est demandé Daniel Pfeiffer, directeur général du STRMTG (Service Technique des Remontées Mécaniques et des Transports Guidés). Cela pose notamment la question de la formation du personnel: «Si les systèmes sont très sophistiqués, l’opérateur sera peut-être moins sollicité et rencontrera moins de cas dégradés, mais est-ce qu’il saura déceler le problème et intervenir le jour où il y aura un dysfonctionnement ?», s’est interrogé Pierre Messulam, expert ferroviaire, ancien directeur des Risques, de l’audit, de la sécurité et de la sûreté du groupe SNCF.

Enfin, l’IA n’est pas considérée, à ce stade, comme un outil fiable. «Nous l’avons mise en place dans les remontées mécaniques : si elle a permis d’éviter des accidents, l’algorithme de reconnaissance d’images destiné à vérifier le bon embarquement n’est pas fiable, nous avons un taux d’erreur énorme: aujourd’hui, nous ne savons pas évaluer le niveau de sécurité de cette IA…»  a expliqué Daniel Pfeiffer. Dans le cadre du projet de train autonome de la SNCF, Luc Laroche confirme cette prudence: «Notre stratégie consiste à recourir le moins possible à l’IA et à conserver un opérateur dans le train».

Florence Guernalec

 

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