Benjamin_Beaudet_beti
Benjamin Beaudet
Directeur général de beti

Mobilité autonome : « Nous devons passer de la supervision à

l’hypervision »

Lauréat de France 2030 pour le projet RIMA, aux côtés de la MACIF, de Gama (ex-Navya) et de Vinci construction, beti poursuit son itinéraire dans la mobilité autonome. L’objectif de cette nouvelle expérimentation est de déployer un réseau inclusif de mobilité automatisée avec 7 véhicules, dont 4 sans opérateur à bord, pour desservir un territoire de 50 km2. Bilan d’étape avec son directeur général, Benjamin Beaudet, qui détaille sa vision du rôle de l’opérateur.

Propos recueillis par Sandrine Garnier

 

Mobily-Cités : A l’instar d’autres projets, RIMA (Réseau Inclusif de Mobilité Automatisée) vise à opérer un service de mobilité autonome de niveau 4. Cette étape ne survient-elle pas avec un certain retard en France ?

Benjamin Beaudet : Les objectifs initiaux de la filière ont été réalignés en début d’année, avec l’actualisation de la stratégie nationale pour la mobilité autonome, qui a notamment permis de définir précisément le niveau 4. Contrairement aux Etats-Unis, la France et l’Europe travaillent sur l’acceptabilité sociale et sociétale du véhicule autonome et leur intégration dans le réseau de mobilité local ce qui explique les délais plus longs. D’autre part, le premier semestre 2023 a été marqué par les difficultés de Navya, qui illustre d’une certaine manière la fin d’une période. On assiste aujourd’hui au recentrage des principaux acteurs sur les plateformes de software. Plus personne ne prétend être en capacité de tout faire, du véhicule au logiciel de mobilité autonome en passant par l’analyse de données et le système d’exploitation…

Vous avez été candidat à la reprise de Navya, devenu Gama. Etes-vous confiant dans le projet actuel ?

Après une période de transition qui s’est achevée en septembre, nous avons repris des relations tout à fait fluides et constructives avec Gama, aussi bien concernant les contrats de services des navettes que nous possédons, que sur le dossier RIMA. Nous sommes en phase avec l’approche de Macnica, et nous n’avons aucune inquiétude opérationnelle tout en restant attentifs au respect des engagements de chacun.

En travaillant sur le projet de reprise, nous avons été amenés à plonger dans l’état de l’art international dans le domaine de la mobilité autonome. Cela nous a permis de prendre conscience qu’il existe un angle mort, qu’aucun des acteurs impliqués n’a identifié jusqu’à présent. Personne ne s’est véritablement posé la question de l’exploitation, spécifiquement dans un environnement de transport public. Il y a une grande différence entre le client d’un service de robotaxi, qui s’est inscrit sur une plateforme et a enregistré sa carte bancaire, et le passager d’un bus. La mise en service de lignes desservies par des véhicules autonomes suppose une intégration dans l’écosystème local et une sécurisation accrue, pour s’assurer que tout se passe bien à bord, ou détecter d’éventuels colis suspects par exemple.

Ces missions ne doivent-elles pas être assurées par les centres de supervision ?

La supervision ne suffira pas, nous devrons passer à l’hypervision. Un conducteur/receveur ne se contente pas de conduire le véhicule, il s’assure en permanence que la performance opérationnelle (ou qualité de service) et de la sécurité sont au niveau attendu à bord, repère les comportements inhabituels ou inquiétants, règle les incidents. Il peut aussi identifier et faire remonter d’éventuels problèmes au niveau des arrêts ou des stations. Réussir le passage de la conduite autonome de niveau 4 à un service de mobilité implique de revoir l’approche systémique afin de redistribuer les rôles à d’autres acteurs de l’écosystème du transport routier de voyageurs, par exemple les forces de l’ordre ou les pompiers. La consistance d’une offre de transport publique ne repose pas uniquement sur la production du service. C’est une réalité que seul un exploitant peut percevoir, et c’est là que nous devons nous positionner. Dans cette logique, nous démarrons des collaborations avec Easymile pour rendre agnostiques nos produits et services.

Navette autonome Beti-ValTho

À lire également

Jean-Claude Bailly
Entretien avec Jean-Claude Bailly, PDG de Navya Mobility Quelle la situation actuelle de Navya Mobility ?  JCB : A la suite de différentes opérations, l’actionnariat a changé. Désormais la société est détenue par le japonais Macnica qui vient d’ouvrir le capital à NTT...
Alexis Gibergues
Mobily-Cités :  l'OTRE joue un rôle actif dans le domaine des transports de voyageurs. Quelle est votre vision du secteur et des enjeux actuels ? Alexis Gibergues : L'OTRE défend une vision ambitieuse d’une mobilité collective structurée et à la hauteur des défis du...
François Durovray
« Je serai le Ministre des Transports de ceux qui n’en ont pas » Le secteur des transports en France est à un tournant crucial. Face aux défis contemporains de mobilité, il est impératif de redéfinir nos approches pour garantir un système de transport accessible et...
Fabrice Pannekoucke
« Objectif 2035 : 300 000 voyageurs par jour »   Interview avec Fabrice Pannekoucke Président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes Mobily-Cités : La Région Auvergne-Rhône-Alpes s’affirme comme un acteur clé des mobilités. Comment décririez-vous votre ambition en...