« Des batteries deux fois plus performantes avant 2030 »
Pionnier de l’électromobilité en France, Blue Solutions annonce pour 2028 une 4e génération de batteries qui permettront à la fois d’accroître l’autonomie des véhicules et la rapidité des rechargements. Partenariats de recherche, recyclage, gestion intelligente de l’énergie… à la tête des activités Batteries et Bus électriques du groupe Bolloré depuis un an, Richard Bouveret détaille ses orientations stratégiques.
Propos recueillis par Sandrine Garnier
Mobily-Cités : Bluebus figure parmi les premiers constructeurs de bus électriques en France. Combien de véhicules Bluebus sont actuellement en service ?
Richard Bouvenet : L’activité de la division Blue est organisée autour de deux activités : le bus électrique (Bluebus), et les batteries (Blue Solutions). La production de bus électriques a démarré en 2010 avec des modèles de 6m, puis de 12 m en 2016. Ces véhicules ne sont pas une adaptation d’anciennes plateformes de bus thermiques. Ils ont été développés spécifiquement pour l’électromobilité, avec une intégration optimale des différents organes comme le moteur, la chaîne de traction, et les batteries, et des câblages. Des équipes ont été recrutées et formées pour ces missions, qui ne requièrent pas les mêmes compétences et ne nécessitent pas les mêmes process que dans la construction automobile classique. En particulier, le niveau de sécurité est bien plus élevé en raison du recours à des courants haute tension (supérieurs à 400 V).
On recense aujourd’hui environ 600 Bluebus en circulation chez 70 clients (60 pour les 6 m, 10 pour les 12 m), dont les plus anciens sont en service depuis 8 ans. Nous totalisons ainsi 600 millions de km parcourus, ce qui nous a permis d’accumuler de solides connaissances sur le comportement des véhicules et des batteries. Avec l’accord des exploitants et des autorités organisatrices, nous recueillons en effet un certain nombre de données.
Quelle est la durée de vie des batteries qui équipent ces véhicules ?
En fonction des conditions d’utilisation, la durée de vie des batteries peut fortement varier, entre 5 et 10 ans, la moyenne étant à 7,5 ans. Pour être réalistes, les contrats de garantie sont adaptés à chaque profil d’exploitation, au plus proche de leurs usages. Quand le SAV est intégré, nous suivons le véhicule et nous sommes donc en capacité de décider, en concertation avec l’exploitation, si la durée de vie de la batterie peut être prolongée.
Blue Solutions a fait le choix de la technologie tout solide. Quels en sont les avantages et quelles évolutions peut-on attendre dans les prochaines années ?
Le choix de la technologie tout solide permet une augmentation de la densité énergétique des cellules de la batterie, c’est-à-dire un gain d’autonomie de 30 à 40%. La présence d’un électrolyte solide apporte en outre un facteur de sécurité en accroissant la température de déclenchement de l’emballement thermique.
La 4e génération de batteries tout solide, qui sera deux fois plus performante que la génération actuelle, devrait arriver sur le marché en 2028. A plus long terme, d’ici à 2035-40, la densité d’énergie massique des batteries tout solide atteindra 450 à 500 Wh/kg, tandis que les batteries lithium-ion plafonneront à 350 Wh/kg.
Ces progrès permettront à la fois une augmentation de l’autonomie des véhicules, mais aussi un chargement beaucoup plus rapide. La tendance sera renforcée par les évolutions des véhicules et le déploiement d’infrastructures adaptées à l’électromobilité.
Vous avez annoncé récemment de nouveaux partenariats avec des instituts de recherche en Suisse. Dans quel but ?
Nous travaillons déjà avec nos différentes équipes de R&D basées à Quimper et à Boucherville, au Canada, et aussi avec des laboratoires dits communs avec le CNRS à Grenoble et à Nantes. Cet été, nous avons annoncé trois partenariats supplémentaires avec des instituts de recherche suisses, dont le SIPBB, le CSEM et BFH pour améliorer le recyclage des batteries, modéliser leur vieillissement, ou encore pour étudier le dépôt en phase vapeur de lithium. Sur le recyclage, nous mettrons au point l’usine du futur, sans intervention humaine, afin de récupérer les matières premières sans risque pour la santé.
Les coûts liés au recyclage des batteries seront-ils compatibles avec les exigences d’équilibre économique ?
Le lithium métallique coûte déjà plus de 200$ le kilo. Avec la hausse de la demande, la préservation des matières premières va devenir indispensable d’un point de vue économique comme d’un point de vue éthique. Nous savons déjà récupérer jusqu’à 90% du lithium contenu dans nos batteries, et nous devons encore nous améliorer pour l’ensemble des composants : polymères, phosphates.… tout cela n’aura de sens que si l’énergie utilisée pour ces opérations est produite de façon décarbonée.
Nous devons aussi nous préoccuper de l’approvisionnement, et de l’empreinte environnementale des activités minières. Toujours dans le cas du lithium, il est possible de retraiter l’eau utilisée pour l’extraction et de la réinjecter dans les sous-sols pour préserver la ressource des populations locales. Nous travaillions avec un partenaire au Chili dans ce sens.
Le recours au numérique va également permettre d’optimiser l’utilisation des batteries.
Nos recherches portent également sur la mise en œuvre de jumeaux numériques des batteries, de façon à mieux contrôler leur durée de vie. Le digital joue déjà un rôle déterminant dans l’électromobilité pour contrôler et optimiser la consommation d’électricité. Dans un véhicule lourd doté de plusieurs batteries, c’est encore le numérique qui permet de répartir la demande d’énergie, de manière à ne pas toujours solliciter la même batterie et équilibrer les cycles de chargement sur l’ensemble du pack. Dans l’avenir, les batteries des véhicules seront également amenées à renvoyer de l’énergie vers le réseau (V2G ou « Vehicle to Grid »). Là encore, il nous faut des outils de gestion numérique.