«La mandature qui s’achève a été marquée par une véritable reconnaissance du rôle clé de la mobilité, et des atouts des transports publics, faiblement émissifs et fortement inclusifs. Maintenant, le cœur du sujet, c’est le choc d’offre qu’il faut financer. Une partie des ressources liées aux quotas carbone pourraient ainsi être fléchées vers les transports publics.» Pour la présidente de l’UTP, Marie-Ange Debon, l’Union européenne doit consacrer les moyens nécessaires à la promotion des déplacements décarbonés, et soutenir le développement des transports en commun pour encourager le report modal, aussi bien pour les passagers que les marchandises. Ces orientations sont jugées indispensables pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) affichés dans le Green Deal et la stratégie Fit for 55. A ce titre, l’UTP a publié en février dernier un Manifeste explicitant les attentes du secteur.
Pour aborder ces question, l’UTP a réuni le 14 mai des représentants des différentes parties prenantes : Mona Bjorklund, directrice de la direction «Coordination des politiques» à la DG Move ; Isabelle Boudineau, conseillère régionale de Nouvelle-Aquitaine et membre du Comité européen des Régions ; Karima Delli, eurodéputée sortante présidente de la Commission Transports et Tourisme du Parlement européen ; et Georges Gilkinet, vice-premier ministre belge et ministre de la Mobilité, au nom de la présidence belge du Conseil de l’Europe. Karima Delli ne se représentant pas, il ne s’agissait pas d’un débat politique mais plutôt d’un échange transversal. Toutefois, les positions des uns et des autres sur des questions comme l’ouverture à la concurrence du ferroviaire ou les grands chantiers d’infrastructures n’ont pas été absentes de la discussion.
A la question de savoir dans quelle mesure l’Union européenne pourrait accroître son soutien aux transports publics décarbonés, les éléments de réponse apportés paraissent mitigés. D’abord, parce que les moyens dégagés semblent modestes : par exemple, 26 Md€ sont prévus dans le cadre du mécanisme d’interconnexion destiné à financer le réseau transeuropéen de transport (RTE – T), ce qui ne représente que 2% du budget total de l’Union, et ne peut en aucun cas répondre à l’ampleur des besoins. Outre la construction des infrastructures manquantes, il faut aussi prendre en compte la mise à niveau de la signalisation ferroviaire. En France, le coût de la généralisation de l’ERTMS est ainsi estimé à 40 Md€… Et la liste des adaptations et des modernisations ne s’arrête pas là : le réchauffement climatique, ou encore les impératifs liés à la sécurité et à la défense imposent également leur agenda. Dans ce contexte, et alors que les Etats membres doivent gérer leurs propres contraintes budgétaires, la prochaine Commission devra établir une nouvelle perspective financière, en tenant compte des nouveaux équilibres issus des élections du 9 juin.
Quant aux pistes de financement évoquées à partir du principe pollueur-payeur (quotas carbone, eurovignette…), rien ne garantit qu’elles aboutissent dans les caisses des acteurs du transport public, tant la concurrence est rude ! Chaque secteur ou filière, que ce soit le transport aérien ou l’industrie automobile, réclame des subsides pour soutenir sa transition écologique. Favorable à un « Green Deal ferroviaire » et à un plan de relance spécifique pour les transports publics, Karima Delli appelle les responsables politiques des Etats membres prendre leurs responsabilités, en taxant par exemple les super-profits des fournisseurs d’énergie. Pas sûr qu’elle soit suivie sur ce point par les représentants des entreprises de transport public, et encore moins par le Gouvernement français.
Sandrine Garnier