« Sans milliards, pas de rail : Farandou sonne l’alerte »

25 06 2025 | Actualités

Jean-Pierre Farandou : « Le réseau du futur se décide maintenant »

« La SNCF est prête à inventer le train de demain. Mais il n’y aura pas de train du futur sur le réseau du passé », a martelé Jean-Pierre Farandou, président du groupe SNCF en conclusion de la conférence de presse consacrée à l’innovation et à l’IA le 25 juin 2025. Une déclaration qui intervient au moment où la conférence de financement des mobilités « Avenir France Transports » achève ses travaux et pourrait remettre un pré-rapport début juillet 2025. Jean-Pierre Farandou a rappelé que SNCF Réseau avait besoin de 4,5 Md€/an à partir de 2028, et pendant une vingtaine d’années, pour financer la régénération du réseau ferroviaire et sa modernisation comme le déploiement des projets de commande centralisée du réseau (CCR) et l’installation de la signalisation ERTMS sur les lignes les plus fréquentées. « Ce montant a été validé par tout le monde y compris l’Etat », a insisté Jean-Pierre Farandou. 

Etant donné que la programmation des travaux intervient trois ans à l’avance, le gestionnaire d’infrastructure a besoin de savoir « au plus tard en septembre 2025″ s’il disposera bien des 4,5 Md€ en 2028. Or, aujourd’hui, il manque encore 1 Md€ pour boucler ce budget. En effet, suite à la réforme ferroviaire de 2020 et à la reprise de 35 Md€ de dette de SNCF Réseau, le gestionnaire d’infrastructure est en mesure d’investir 2 Md€/an, SNCF holding(via le Fond de concours), 1,5 Md€, soit « l’intégralité de ses bénéfices », a souligné Jean-Pierre Farandou. Le groupe ne peut, selon lui, investir davantage sans s’endetter lourdement, alors que la réforme de 2020 visait justement à ce que la SNCF retrouve une dette soutenable. Le président du groupe en appelle donc au gouvernement pour qu’il annonce dès aujourd’hui qu’il financera le milliard d’euros manquant. Cet engagement serait acté par un avenant au contrat de performance passé entre l’Etat et SNCF Réseau.

De nouveaux moyens à trouver

Jean-Pierre Farandou a évoqué plusieurs pistes de financement possibles, dont certaines étaient déjà listées dans la contribution du groupe SNCF à la conférence de financement des mobilités : affecter une partie des recettes attendues de la refonte et de l’élargissement du système de taxe carbone (SEQE/ETS) à partir de 2027 ; mobiliser une partie des ressources publiques générées par le renouvellement des concessions d’autoroutes, recettes qui n’interviendront qu’à partir de 2032 et s’étaleront jusqu’en 2036, ou encore, créer une taxe poids lourds limitée aux véhicules de plus de 40 tonnes, qui circulent au moins 500 km et empruntent le corridor européen. En revanche, le président du groupe SNCF n’est pas « fan » d’une taxe sur les billets de train…

Sans la sécurisation de ce financement, Jean-Pierre Farandou explique que la France sera exposée à « une paupérisation du réseau » à l’image de ce qui arrive à l’Allemagne qui fait face à un effondrement de son réseau ferré. La performance d’environ 4000 km de lignes serait, selon lui, affectée dès 2028 (soit 2000 trains/jour), chiffre qui atteindrait 10 000 km à horizon 2040. En outre, sans investissement, le coût d’entretien devrait augmenter de 20 à 25% à horizon 2040, selon un audit externe et les études de l’ART cités par le groupe.

Sur la vague IA

Il y a d’autant plus urgence que le groupe SNCF entend répondre à l’augmentation de la demande des voyageurs de 30% depuis 2020. « Notre priorité est d’accélérer la transformation du groupe tout en réduisant les coûts », a prévenu Carole Desnost, vice-présidente Technologies, Innovation et Projets Groupe. Cela passe notamment par le déploiement d’un nouveau matériel roulant plus performant – TGV M, rames Intercités Oxygène, TER décarbonés, RER NG, train léger. Egalement en jeu, l’installation du nouveau système d’exploitation des trains, NExTEO, ou encore la mise en œuvre de nouvelles solutions comme le système MARS LGV (Mobiles Autonomes de Reconnaissance en Sécurité) : l’équipement, dévoilé en avril 2025, doit remplacer, à l’horizon 2030, les rames TGV qui effectuent les marches de reconnaissance chaque matin avant l’ouverture des LGV pour garantir la sécurité et la sûreté du réseau. 

Le groupe ferroviaire mise également sur l’IA et l’innovation digitale. La SNCF consacre plus de 2 Md€/an d’investissement à sa transformation numérique et mobilise aujourd’hui 4500 collaborateurs, a rappelé Julien Nicolas, directeur numérique, IA Groupe et e.SNCF Solutions. Le groupe a notamment annoncé, le 12 juin 2025, la signature d’un partenariat avec le français Mistral AI lors du salon VivaTech. Les collaborateurs, et notamment les développeurs, utilisent déjà les IA d’Open AI (chatGPT) et d’Anthropic (Claude). « Nous sommes sur la vague IA, s’est félicité Jean-Pierre Farandou. Cela va changer les métiers des cheminots et nous le faisons en totale transparence avec les syndicats… »
Florence Guernalec

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