Portrait de Jean-Pierre Farandou

SNCF: poussé vers la sortie, Jean-Pierre Farandou défend son bilan

15 05 2024 | Actualités

Le départ de Jean-Pierre Farandou devait être confirmé en assemblée générale le 13 mai 2024 même si la SNCF n’a pas officiellement communiqué à ce sujet. Un communiqué laconique du ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires avait annoncé la fin de son mandat, le 7 mai 2024, deux heures avant son audition au Sénat. En pratique, Jean-Pierre Farandou restera à son poste pour la durée des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) afin de garantir leur bonne organisation. Dans les faits, cette décision paraît surprenante même si son PDG atteindra la limite d’âge fixée à 68 ans en 2025, car celui-ci avait rempli le «cahier des charges» fixé par le gouvernement. 

Cette annonce intervient quelques jours après que Bruno Le Maire a reproché à Jean-Pierre Farandou la signature, en avril 2024, d’un accord d’entreprise sur la fin de carrière. Le ministre de l’Economie jugeait cet accord trouvé avec les quatre organisations syndicales représentatives de la SNCF «pas satisfaisant» et même «provocant»: «Un accord est signé qui engage effectivement les équilibres de la réforme des retraites et les équilibres financiers de la SNCF. Je n’ai pas été averti», avait expliqué Bruno Le Maire sur BFMTV et RMC le 2 mai 2024. Le ministre avait alors signifié son intention de convoquer Jean-Pierre Farandou dans les tout prochains jours.

«C’est un bon accord de fin de carrière qui ne contourne pas la loi sur les retraites, qui est dans les pratiques des grandes entreprises publiques et privées. Son coût est raisonnable [35 M€/an selon lui sur une masse salariale de 10 Md€] avec de vrais bénéfices pour l’entreprise», a défendu son PDG lors de son audition au Sénat le 7 mai 2024. «Il ne coûtera rien aux contribuables ni aux clients ni aux caisses de retraite», a-t-il assuré. 

Par ailleurs, Jean-Pierre Farandou a expliqué que c’est l’exécutif qui lui avait demandé, à l’automne 2023, d’engager ces négociations notamment pour les métiers pénibles (91.000 collaborateurs concernés, soit deux tiers des effectifs de la SNCF). Il a rappelé que l’entreprise publique est sous la tutelle de Matignon, du ministère des Transports et de Bercy, et qu’à ce titre, des membres de l’Etat siègent au conseil d’administration du groupe et étaient de fait informés de la renégociation de l’accord de 2008. Enfin, celui-ci a souligné qu’il avait évoqué cette négociation dans un entretien au journal Le Monde du 23 février 2024: «Je ne comprends pas les accusations d’opacité, de manque de transparence et de manque d’information. Je ne les comprends pas», a ainsi martelé Jean-Pierre Farandou.

Le PDG de la SNCF avait été nommé en 2019 sur proposition du président de la République pour mettre en œuvre la loi pour un nouveau pacte ferroviaire adoptée en juin 2018. L’Etat s’était engagé à reprendre une partie de la dette du groupe [35 Md€] en échange d’une amélioration de la performance opérationnelle et financière de la SNCF. Pari tenu: la dette est stabilisée à 24 Md€ fin 2023 avec un ratio dette nette sur Ebitda (3,7x) soutenable. En outre, le cash flow libre s’établit à 2,4 Md€ contre -2,3 Md€ en 2019… «La trajectoire financière est assainie», a déclaré Jean-Pierre Farandou qui a défendu son bilan lors de son audition au Sénat.

Le gouvernement s’est également engagé, dans la loi climat et résilience de 2021, à doubler la part modale du fret d’ici à 2030, et de l’augmenter de 42% dans le transport de voyageurs d’ici à 2050. Jean-Pierre Farandou avait déclaré, en juillet 2022, qu’il fallait 100 Md€ sur 15 ans pour atteindre ces objectifs. Les conclusions du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures (COI) paru en février 2023 allaient dans le même sens: Elisabeth Borne, alors Première ministre, avait d’ailleurs annoncé, dans la foulée, un plan de développement du ferroviaire de 100 Md€ d’ici à 2040. Or, comme l’a souligné le sénateur Philippe Tabarot, les parlementaires attendent toujours de connaître la ventilation de cette somme… et son financement.

Jean-Pierre Farandou a expliqué que la SNCF ne participera pas au financement des projets ferroviaires (LGV, SERM). En revanche, il a annoncé que les bons résultats financiers de la SNCF permettaient au groupe d’augmenter sa participation au fonds de concours qui finance la régénération du réseau ferroviaire: 2,3 Md€ sur la période 2024-2027 avec une montée en charge progressive pour atteindre 1 Md€ en 2027. Au-delà, le financement des travaux n’était, selon lui, pas assuré. Or, Jean-Pierre Farandou a expliqué que de l’avis de tous les experts, il fallait investir 4,5 Md€ par an pour régénérer et moderniser le réseau (contre 2,9 Md€ aujourd’hui). 

Enfin, reste la question du successeur de Jean-Pierre Farandou. Aux yeux des syndicats, celui-ci présentait le double mérite d’être un cheminot qui avait fait toute sa carrière au sein du groupe, et d’avoir fait du dialogue social une de ses priorités. Son successeur devra donc avoir le dos souple pour plaire aux OS, répondre aux injonctions contradictoires de l’exécutif qui proposera un candidat, et pour convenir au Parlement chargé de se prononcer sur sa nomination dans les conditions prévues par le cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution. Or, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat n’a pas apprécié la décision de l’exécutif de mettre fin au mandat du PDG de la SNCF et déplore, dans un communiqué daté du 7 mai 2024, «une décision hypocrite» de l’exécutif. A contrario, le Sénat «salue, de façon unanime et transpartisane, le bilan de Jean‑Pierre Farandou au cours de ses cinq ans à la tête du groupe SNCF». Et la chambre haute prévient d’ores et déjà qu’elle «sera particulièrement vigilante, lors de la désignation de son successeur, à ce que celui‑ci s’inscrive dans la dynamique et la vision de temps long qu’il a portées au sein du groupe SNCF». 

Florence Guernalec

 

 

 

 

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