C’est un habitué des trains qui s’est présenté, ce 15 octobre, devant la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat. Jean Castex, visage familier de la haute administration et ancien Premier ministre, auditionné pour prendre la tête de la SNCF, a livré une prestation tout en sobriété et en continuité : celle d’un homme qui connaît la mécanique de l’État aussi bien que celle des transports.
Devant les sénateurs, il n’a pas cherché les effets de manche. Ni le verbe triomphant, ni les promesses creuses. Juste une conviction : « le réseau sera la mère des batailles ». Une phrase qui résume à elle seule la philosophie du futur patron de la SNCF : remettre les fondamentaux sur les rails, après des années d’érosion silencieuse des infrastructures. Le message a trouvé un écho favorable dans l’hémicycle, où la lassitude des trains supprimés et des ralentissements s’est depuis longtemps muée en inquiétude collective.
L’audition, très suivie, n’a pas échappé à la question du conflit d’intérêts. Castex quitte en effet la présidence de la RATP, autre grande maison publique, parfois concurrente de la SNCF sur certains appels d’offres. Avec un calme de vieux routier institutionnel, il a promis un « déport absolu » sur tous les dossiers liant les deux entreprises, et ce pour trois ans. Un engagement sans ambiguïté qui vise à rassurer sénateurs et observateurs.
Mais l’essentiel était ailleurs : dans sa vision d’une SNCF recentrée sur son cœur de métier, avec un cap clair – la régénération du réseau – et un souffle : celui du service public. Castex a salué « les équipes, les savoir-faire, l’engagement des cheminots », soulignant la nécessité d’une stratégie de long terme, ancrée dans la continuité du plan ferroviaire à 100 milliards d’euros lancé par le gouvernement.
Entre les lignes, on sent poindre la patte du technicien : un goût de la méthode, une méfiance envers le tumulte politique. Castex veut une SNCF « performante, fiable, sobre », qui répare avant de rêver. Pas d’effets d’annonce donc, mais une ligne claire : consolider le réseau, moderniser la signalisation, relancer le fret et accompagner l’ouverture à la concurrence sans y perdre l’âme du service public.
Le Sénat, dans sa majorité, a salué la « compétence et la solidité » du candidat. Sauf coup de théâtre, sa nomination devrait être validée dans les prochains jours. À 65 ans, Jean Castex s’apprête à gravir une dernière montagne : celle de la SNCF, avec pour horizon une mission presque gaullienne – refaire circuler, partout, le train de la République.
Nomémie Rochet