François Warnier de Wailly
François Warnier de Wailly
Directeur du programme Bus 2025 au sein du groupe RATP

« Début 2026, la RATP aura converti 100% de ses centres opérationnels »

François Warnier de Wailly, directeur du programme Bus 2025 au sein du groupe RATP, présente le vaste chantier de décarbonation qui, en dix ans, a conduit au renouvellement du matériel roulant et à la transformation de 25 centres bus, devenus de vrais partenaires des énergéticiens et des lieux davantage tournés vers la population.

 

Mobily-Cités : En quoi consiste le plan Bus 2025 ?

François Warnier de Wailly : Il s’agit du grand programme de décarbonation du réseau de bus de la RATP, que nous réalisons pour le compte d’Île-de-France Mobilités. L’investissement s’élève à 1,5 milliard d’euros, auquel s’ajoute 55 millions d’euros de subventions européennes. Ce vaste chantier lancé en 2015 porte sur la transformation de nos centres bus et la formation de leurs personnels, pour réussir la transition énergétique, et sur l’arrivée d’un matériel roulant neuf, moins polluant, plus silencieux.

Mobily-Cités : Début février, la RATP a mis en service à Paris son 1000e bus électrique. L’électrification de la flotte est-elle l’unique solution ?

F.W. de.W. : L’électrification constitue une bonne part de notre réponse au défi de la décarbonation. Mais le choix a été fait aussi de recourir largement à des bus roulant au biométhane, qui offrent une autonomie plus grande que les bus électriques – du moins que les premiers d’entre eux – et qui ainsi sont mieux adaptés à des lignes de grande couronne s’étirant sur de longues distances. Nous misons également sur nos 1200 bus hybrides, qui mixent électrique et gasoil, un carburant bientôt remplacé par de l’aquazole (NDLR : carburant, moins émissif de gaz à effet de serre, constitué d’une émulsion d’eau et de gasoil). A ce jour, ces trois solutions représentent déjà 70% de notre flotte. Les 30% de bus diesel, eux, seront remplacés. Début 2026, la RATP aura converti 100% de ses centres opérationnels. 

Mobily-Cités : Peut-on dire que la RATP et Ile-de-France Mobilités ouvrent la voie de la décarbonation ?

F.W. de.W. : La RATP et ses 4 700 bus (sur les quelque 10 000 en circulation en Ile-de-France) joue, avec IDFM, un rôle précurseur dans la décarbonation des transports. On est en présence d’un plan voulu par la présidente de région Valérie Pécresse, avec une feuille de route, des financements qui suivent, l’arrivée massive de nouveaux véhicules, la transformation de 25 de nos centres bus, autrement dit d’une large part de notre outil industriel, sans dégrader l’exploitation, le tout en à peine 10 ans ! La transition d’un tel réseau, le deuxième au monde en termes de densité, à une telle vitesse, voilà qui est proprement exceptionnel ! Régulièrement, nous recevons la visite de gestionnaires d’autres réseaux de transports, membres ou non du groupe RATP, désireux de s’inspirer de notre expérience. Le savoir-faire ainsi acquis constitue aussi une carte à jouer lorsque nous répondons à des appels d’offres. 

Mobily-Cités : Dans quelle mesure le plan Bus 2025 contribue-t-il à faire reculer la pollution et les émissions de gaz à effet de serre ?

F.W. de.W. : Entre 2015 et 2025, notre plan a permis de réduire de 50% les émissions de gaz à effet de serre imputables aux bus de la RATP. Notre démarche – tout comme la réduction de la place de la voiture en ville et l’électrification progressive du parc de véhicules personnels – a sans aucun doute contribué aussi à l’amélioration de la qualité de l’air et à la chute assez spectaculaire des émissions des particules fines à Paris et en Île-de-France (NDLR : selon Airparif, les émissions liées au trafic routier, premier émetteur d’oxydes d’azote, ont baissé de 63 % entre 2013 et 2023, et celles de particules fines de 72 %).

Mobily-Cités : La transformation de 12 centres bus pour accueillir des véhicules électriques change-t-elle les rapports de la RATP avec ses fournisseurs d’énergie ?

F.W. de.W. : Oui, la relation devient tout autre. Lorsqu’on utilise le gasoil, on contacte un fournisseur, Total ou Shell, par exemple, et on lui demande de nous livrer par camion-citerne 30 000 litres de carburant. Point. Quand nos bus fonctionnent à l’électricité, en revanche, nous devenons, via nos centres bus, un véritable partenaire de l’énergéticien. Avec la montée en puissance des énergies renouvelables, il peut y avoir, suivant la météo (des vents violents ou un fort ensoleillement), des plages de la journée où la production d’électricité est particulièrement abondante et de surcroît décarbonée. L’énergéticien a besoin de voir son réseau s’équilibrer et les gros clients comme nous peuvent y contribuer, en consommant de l’électricité à certains moments plutôt qu’à d’autres. D’où le recours – dans trois et bientôt huit de nos centres bus – à un dispositif nommé « Smart charging dynamic », qui pilote la recharge de nos bus en fonction de plusieurs paramètres : le prix et le caractère décarboné ou non de l’électricité à un instant t, mais aussi la puissance et la rapidité de charge nécessaire pour que chacun bus puisse quitter le dépôt à l’heure. A l’avenir, le centre-bus pourrait aussi concourir à l’équilibre du réseau électrique en appliquant le principe du « vehicle-to-grid » : à condition d’être bidirectionnelles, les batteries des bus en stationnement au dépôt pourraient être utilisées pour absorber et stocker l’électricité lorsqu’elle est en excès et la réinjecter lorsque la production est insuffisante. Les bus concernés pourraient être par exemple ceux immobilisés pour des opérations de maintenance. Car les pics de consommation électrique coïncident en partie avec les pics de fréquentation des transports, le matin et le soir, et il n’agit bien évidemment pas de détourner nos bus de leur usage premier.

Mobily-Cités : Vous affirmez que les centres bus acquièrent aujourd’hui une place différente au cœur de la ville. Pour quelles raisons ?

F.W. de.W. : Les centres bus doivent être bien plus que de vulgaires garages. Ces outils industriels doivent être tournés aussi vers les habitants et s’intégrer pleinement dans le paysage urbain. C’est le sens des transformations que nous avons mises en œuvre, à la faveur du plan Bus 2025, dans trois centres parisiens (Lagny, dans le 12e arrondissement ; Corentin, dans le 14e ; Belliard, dans le 18e arrondissement). L’idée consiste à superposer les espaces pour aménager, au-dessus de l’atelier et du garage, des logements sociaux, de l’habitat partagé, une crèche, des espaces de travail, des commerces ou même une salle d’escalade. L’utilisation du centre bus elle-même mérite d’être repensée. En journée, les bus sont pour la plupart en circulation et on peut, comme nous le faisons déjà, utiliser l’espace libéré à la façon d’un centre de logistique urbaine d’où des sociétés partenaires partent effectuer leurs livraisons du dernier kilomètre.

Propos recueillis par Pierre Sugiton

Paris gare de l'Est. Ligne RATP métro 7

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