« Je remercie et félicite Jean-Pierre Farandou et ses équipes ». Ce dimanche 3 novembre, à Montparnasse, le président de la SNCF boit du petit lait. Il est entouré par deux ministres de tutelle, Catherine Vautrin, chargée des Partenariats avec les territoires et François Durovray, ministre délégué aux transports. En cette fin des vacances de la Toussaint, ils constatent l’absence de couacs dans l’acheminement de 7 millions de voyageurs.
Si personne n’a remporté les élections législatives de juillet, côté transports, le patron de la SNCF est le grand vainqueur de la dissolution. Avant celle-ci, il a été remercié d’une tout autre façon. Alors que son mandat doit s’achever en avril 2025, le président de la République Emmanuel Macron avaient programmé son limogeage et l’arrivée du « successeur envisagé de M. Jean-Pierre Farandou » « à l’issue des Jeux Olympiques » apprenait-on dans un communiqué officiel du 7 mai.
Son crime de lèse-majesté ? Avoir piétiné, selon l’exécutif, la réforme des retraites en topant avec les syndicats au sujet d’une réduction de l’âge de départ à la SNCF. En réalité, financé par la SNCF et non par le contribuable, l’accord concerne quelques postes pénibles.
Depuis, le gouvernement Attal qui cherchait des noises à Farandou n’existe plus, Emmanuel Macron a perdu du pouvoir, la SNCF a réussi les JO, son président est toujours soutenu par le Parlement et le gouvernement Barnier a d’autres chats à fouetter.
L’ambiance est donc tout sourire à Montparnasse entre la SNCF et les ministres de l’ancien monde, moins cérébraux et plus incarnés que ceux de la Macronie. On visite d’abord le centre opérationnel de la gare. Les ministres en profitent pour réviser ou apprendre leur chemin de fer. « Les trains impairs partent de Paris et les pairs y vont » récapitule François Durovray. On apprécie le score de 93,79 % de train à l’heure excédant l’objectif de 91,8 %. « Ce TGV qui revient du Basque a quand même deux heures de retard » note Catherine Vautrin. « Comment attribuez-vous le numéro des wagons ? » embraye-t-elle. « Vous voulez parler des voitures » reprend Jean-Pierre Farandou.
En désignant un écran, celui-ci en profite pour mettre en avant la directrice de Gare et Connexions présente à ses côtés. « Vous voyez ces ronds sur les quais, Marlène Dolveck en a eu l’idée pendant le Covid » souligne-t-il. Cheffe des gares, devenue également directrice générale adjointe du groupe, elle fait figure de dauphine du patron de la SNCF.
Ensuite, direction le quai d’arrivée du TGV de la Rochelle. Comme pour une pêche au canard en plastique à la fête foraine, Catherine Vautrin qui se précipite sur le flux réussit à accrocher deux ou trois voyageurs pour un sondage. Résultats : « Ils sont satisfaits de leur voyage ».
Quid de la suite au somment de la SNCF ? Evoquée dans la presse, la possibilité de dissocier les fonctions de président et de directeur général permettrait à l’actuel patron de continuer comme président sans être barré par la limite d’âge de 67 ans. Qu’en pense le gouvernement ? « Vous avez remarqué que Jean-Pierre Farandou est à nos côtés et qu’il est encore aux commandes de la SNCF aujourd’hui et que nous sommes à ses côtés, le sujet n’a pas évolué » répond Catherine Vautrin.
Traduction : sauf accident, il ira au terme de son mandat, et pour la suite, c’est ouvert. A priori, pas besoin de loi, une décision de l’assemblée générale suffirait pour ajuster la gouvernance. « Je crois que c’est ça » répond Jean-Pierre Farandou faisant mine de ne pas être concerné. Malin, il sait bien qu’un candidat déclaré devient une cible.
Marc Fressoz