Malgré les incitations et la volonté politique, le covoiturage du quotidien peine à décoller en France. Une étude de la startup Mobility-Metrix met en lumière les écarts de pratiques et souligne les freins persistants à l’adoption massive de cette solution de mobilité pourtant vertueuse.
À l’heure où la sobriété carbone devient un impératif collectif, le covoiturage quotidien s’impose sur le papier comme l’un des leviers les plus accessibles pour réduire l’autosolisme et désengorger les routes. Mais entre les intentions et la réalité du terrain, l’écart reste conséquent. C’est ce que révèle la dernière étude de Mobility-Metrix, spécialisée dans l’analyse des données de mobilité, à partir d’un corpus impressionnant de 1,2 million de trajets réalisés hors vacances scolaires.
Premier constat : la France affiche un taux de remplissage moyen de 1,50 passager par voiture dans les métropoles comme dans le reste du territoire – un chiffre à peine supérieur à celui relevé en 2018-2019 par l’INSEE (1,43). Seule la métropole de Nice tire véritablement son épingle du jeu, avec 1,67 passager par trajet en moyenne, ce qui lui vaut le titre de « championne française du covoiturage quotidien ».
Des données embarquées pour objectiver la mobilité
L’un des apports majeurs de cette étude réside dans sa méthodologie. Les données ne proviennent ni de sondages ni de déclarations d’intention, mais directement des capteurs embarqués à bord de véhicules connectés : bouclage des ceintures, capteurs de poids sous les sièges… Grâce à cette approche rigoureuse, la startup affirme mesurer un indicateur fiable, respectueux de la vie privée et représentatif des usages réels.
« Réduire l’autosolisme est une priorité, et le covoiturage en est un levier puissant », affirme Laurent Briant, président de Mobility-Metrix. Pour lui, il est urgent de dépasser le stade du discours incantatoire en s’appuyant sur des données tangibles, capables d’éclairer les politiques publiques et de mesurer l’effet réel des dispositifs de soutien.
Des pionniers… et un désert autour
La performance de Nice reste toutefois isolée. Dans la majorité des métropoles étudiées, la progression du taux de remplissage reste marginale. Et surtout, l’étude souligne une homogénéité troublante entre les grandes agglomérations et le reste du territoire : les métropoles, malgré des politiques incitatives plus marquées et une densité propice au partage, ne font pas mieux que les zones moins urbanisées.
Ce constat pose la question de l’efficacité des outils actuels de promotion du covoiturage : applications de mise en relation, lignes dédiées, arrêts d’auto-stop organisés… Autant de dispositifs qui peinent manifestement à convaincre durablement les usagers, faute de régularité, de fiabilité ou de simplicité d’usage.
Un potentiel encore sous-exploité
La promesse du covoiturage reste pourtant intacte : faible coût marginal, impact carbone limité, complémentarité avec les transports en commun. Mais pour transformer l’essai, il faudra davantage qu’un affichage de bonnes intentions. L’intégration du covoiturage dans les schémas de mobilité doit devenir structurelle, avec un pilotage public plus engagé, des infrastructures dédiées et un changement profond des habitudes.
En dévoilant ces chiffres sans complaisance, Mobility-Metrix joue son rôle de vigie technologique, au service d’une mobilité plus rationnelle. Une mission rendue possible par son ancrage dans l’écosystème de la Software République, aux côtés d’acteurs majeurs comme Renault ou Orange.
En somme, le covoiturage quotidien reste une solution d’avenir. Mais pour l’instant, cet avenir tarde à se concrétiser.
Pierre Lancien