L’Île-de-France, laboratoire des politiques de mobilité ?
Développement de l’offre, modernisation du matériel roulant, tarification, renouvellement des acteurs à travers l’ouverture à la concurrence, association des élus et des usagers, nouveaux usages expérimentés avant d’être généralisés…Et si la Région Île-de-France était le laboratoire d’une politique pragmatique et moderne de la mobilité qui pouvait inspirer les débats nationaux comme Ambition France Transports : partir du réel, des usages, utiliser tous les leviers, tester des idées nouvelles, utiliser au mieux, les ressources existantes…
C’est le sentiment qui se dégageait du débat organisé dans le cadre du Salon de l’Association des Maires d’Ile-de- France (AMIF) le 4 juin et pour lequel Mobily-cités était partenaire et modérateur.
Ile-de-France Mobilités (IDFM), une autorité organisatrice qui porte bien son nom
Laurent Probst, le directeur général D’IDFM a expliqué que l’autorité organisatrice utilisait pleinement tous les leviers à sa disposition. D’abord le développement de l’offre couplée à une politique d’investissements massifs dans la modernisation du matériel roulant. Ensuite, par une nouvelle tarification effective au premier janvier qui a unifié les tarifs et a divisé par deux le prix des longs trajets au bénéfice de la grande couronne francilienne. On saura avant la fin de l’année l’impact sur la fréquentation car c’est bien ça le sujet, augmenter la part des recettes commerciales pour éviter le recours à l’impôt (le Versement mobilité) que Valérie Pécresse et Clément Beaune avaient actionné fin 2023 pour équilibrer la trajectoire financière à dix ans. Est-ce réversible ? il se dit que si les marges de manœuvre apparaissent, Valérie Pécresse pourrait être tentée, par choix ou pour respecter l’accord cadre stipulant que les le Versement Mobilité ne doit pas dépasser 50% des recettes, de le baisser avant 2028, date des élections régionales… Autre levier, le renouvellement des opérateurs. D’abord sur le réseau Optile dont le bilan a été tiré la semaine dernière et présenté comme positif par les intéressés. Mais aussi, l’attribution de lots de bus dans le cadre de l’ouverture à la concurrence qui a écorné sérieusement et de manière assez inattendue la position dominante de la RATP. Quels seront les effets sur l’offre et la qualité de service ? Des questions majeures tout comme les interrogations qui apparaissent sur l’impact du Grand Paris Express, et la capacité de la Société des grands projets (SGP) a délivrer dans les temps les lignes prévues. Un récent et nouveau recalage de calendrier a été source des tensions entre les acteurs intéressés.
Enfin, une politique intermodale avec notamment le recalibrage de sa politique de covoiturage qui sera explicitée plus tard dans les débats.
Le débat sur la méthode : impuissance de l’Etat versus agilité territoriale ?
Intervention revigorante ensuite de François Durovray, Président du Département de l’Essonne et ancien Ministre de transports « de ceux qui n’en n’ont pas » son mantra répété à l’envi durant de sa courte période mais néanmoins riche au Ministère des transports. Le débat portait effectivement sur la ruralité qui concerne, il est vrai, une bonne partie de la Région et dont l’Essonne son département fait figure de cas d’école. Il aime à rappeler que « 15 millions de nos concitoyens sont à la fois en précarité de mobilité » et totalement dépendants de la voiture pour les déplacements. C’est aussi aux marges de l’aire urbaine parisienne, en Seine et Marne ou ailleurs qu’est né le mouvement des gilets jaunes.
Son approche théorisée pendant son passage ministériel se veut pragmatique et lucide au regard de la forte contrainte budgétaire : utiliser les capacités existantes, la route en particulier pour développer de nouveaux usages. C’était son idée de développer les cars express qu’il n’a pas eu le temps de formaliser par un plan national. Etait-ce d’ailleurs la bonne méthode ? Dans une forme de mea culpa, il concède qu’il faudrait peut-être les développer au fil de l’eau et que ce serait peut-être la bonne manière de faire par exemple pour déverrouiller le sujet des Services express régionaux métropolitains (SERM). Commencer en expérimentant plutôt qu’attendre le « grand soir » et son lot de blocages et de déceptions.
A la question qui lui était posée concernant le transfert de la voirie aux AOM pour avoir une panoplie plus large d’outils et une meilleure efficacité, c’est une demande de Valérie Pécresse notamment, il fait valoir, qu’en tant que Président d’un département gérant un réseau routier, sa position n’est pas facile. Mais néanmoins ; il propose une idée nouvelle, réunir les gestionnaires de réseaux d’infrastructures et des responsables de services de mobilité autour d’une nouvelle gouvernance pour développer des moyens mutualisés. Une manière habile de sortir par le haut sur un sujet sensible ?
Enfin sur la suppression des ZFE, une réponse tout aussi « politique » sur le fait qu’au-delà du consensus sur la santé publique, il y avait peut-être une autre manière de faire, moins juridique et plus tournée vers l’accompagnement des populations sans solutions alternatives.
Une nouvelle méthode pour développer des nouveaux usages : Le cas des lignes de covoiturage d’ECOV
IDFM a revisité et simplifié sa politique de covoiturage: Plus de chèque en blanc, on expérimente, on part des besoins et on développe avec des acteurs qui ont un vrai savoir-faire et qui s’insèrent dans la politique globale de développement des mobilités.
Ce fut le cas d’ECOV à travers le témoignage de sa Directrice Générale Laure Ménétrier à qui IDFM vient de confier le développement à terme, de 40 lignes de covoiturage. La première, sur la Plateau de Saclay à cheval entre l’Essonne et les Yvelines, entre en service dans les prochains jours. Deux autres lignes devraient entrer en service d’ici 2028 en Seine et Marne et dans le Val d’Oise. L’idée est « de faire de la voiture un transport collectif » mais aussi un service public en adéquation avec les solutions existantes. Pour Laure Ménétrier, comme pour Laurent Probst « une ligne de bus vaut une ligne de covoiturage », l’important c’est le service qu’elle apporte, l’une pouvant se substituer à l’autre si besoin. Levier important, le faire-savoir d’où l’importance d’avoir des partenaires comme les AOM ou les collectivités locales pour donner toute sa chance à cette solution.
Quel accompagnement des politiques de mobilité ?
C’était en substance le message que voulait faire passer Marie-Claude Jarrot, Présidente du CEREMA et élue locale, Maire de Montceau-les-Mines (71). Développer les usages, changer les comportements nécessite de s’appuyer sur un bouquet de mobilité qui doit s’organiser autour d’une gouvernance optimale en embarquant la population. Pour cela, le CEREMA, organisme public au service des territoires développe une expertise et des outils d’aide à la décision et à l’animation de réseaux ; fiches thématiques sur tous les sujets de mobilité (Covoiturage, Transport à la demande, vélo…) et vient de publier une guide sur les projets de mobilité dans les territoires peu denses.
Une heure de débat passionnante et utile au débat public à la recherche des bonnes idées, des bons leviers, des bonnes méthodes pour rompre avec l’impuissance publique dans laquelle butent souvent les politiques de mobilité au niveau national.
François Remoué
https://www.salon-amif.fr/session/ab4e2899-16df-ef11-88f8-6045bd89b60c/conference-thematique-comment-inclure-la-ruralite-dans-l-acceleration-du-developpement-des-transport