Grand Chambéry s’associe avec les EPCI Grand Lac et Cœur de Savoie afin d’harmoniser l’offre de transport à l’échelle du bassin de vie. Christophe Pierreton, vice-président de Grand Chambéry délégué à la mobilité, et Juliette Dastel, directrice de la mobilité de Grand Chambéry, travaillent sur une complémentarité entre le futur plan de mobilité des trois EPCI et le SERM qui doit démarrer avant 2030.
Mobily-Cités : Quelles sont les particularités du territoire de Grand Chambéry ?
Christophe Pierreton : Nous bénéficions d’une situation géographique privilégiée au carrefour des Alpes à la fois entre Genève et Grenoble, et entre Lyon et Turin. Nous disposons, en particulier, d’une gare internationale située sur le trajet de la future ligne Lyon-Turin. Cette position stratégique explique en partie notre dynamisme démographique et économique avec une croissance de la population supérieure à la moyenne nationale et 80% des déplacements qui ont lieu à l’intérieur du bassin de vie. En outre, Grand Chambéry est un territoire à la fois urbain, rural et montagnard (jusqu’à 2000 mètres d’altitude) depuis la fusion avec la communauté de communes Cœur des Bauges en 2017. Cette diversité de territoires nous contraint d’adapter nos solutions de transport.
Quelle est la mission du Syndicat mixte des mobilités de l’ouest savoyard (Symos) créé au printemps 2024 ?
Christophe Pierreton : Le Symos est né de la volonté de mieux organiser les déplacements sur un bassin de vie commun couvert par les 3 EPCI – Grand Chambéry, Grand Lac et Cœur de Savoie avec son importante zone d’emplois Alpespace. Nous observons des flux importants entre ces trois territoires, que ce soit pour le travail ou les loisirs. D’ailleurs, il existe déjà une ligne de bus qui relie Chambéry au Bourget-du-Lac et un train qui dessert Aix-les-Bains en dix minutes, par exemple.
Le Symos lancera, dans un premier temps, des études afin d’améliorer et d’harmoniser l’offre de transport sur les quatre modes principaux – train, bus, covoiturage et vélo. L’idée est d’aboutir en 2029 à un seul appel d’offres pour exploiter les transports de Grand Chambéry et de Grand Lac à l’issue des deux DSP en cours.
Juliette Dastel : Elaborer un plan de mobilité commun à l’échelle du bassin de vie nécessitera un important travail politique et technique avec les différents opérateurs de transport. A terme, nous souhaitons proposer une offre de transport cohérente et intégrée, avec un titre de transport unique sur l’ensemble du territoire. Nous avons déjà l’habitude de collaborer ensemble puisque nous avons aussi en commun la SPL Agence Ecomobilité qui gère le Vélostation ainsi qu’un prestataire, BlaBlaCar Daily, pour le covoiturage de proximité.
Quel est l’objectif du projet de SERM de Chambéry ?
Juliette Dastel : Il s’agit de créer un réseau de transport multimodal fluide et efficace. Si le train constitue l’armature principale du SERM, notre projet intègre également les autres modes de transport comme le bus, le covoiturage et le vélo. Avec le Symos, nous travaillons sur un réseau de transport complémentaire au train.
Nous souhaitons, en particulier, améliorer l’offre ferroviaire du territoire en augmentant la fréquence des trains et en créant de nouvelles haltes ferroviaires afin de desservir plus finement le territoire. L’axe principal s’étend de Grésy-sur-Aix à Saint-Pierre-d’Albigny, en passant par Aix-les-Bains, Chambéry et Montmélian. À terme, l’objectif est de proposer un cadencement d’au moins un train tous les quarts d’heure sur cet axe, comme un RER en région parisienne. L’autre axe étudié relie Cognin à la gare de Chambéry [ligne Lyon-Saint-André-le-Gaz-Chambéry], pour permettre notamment aux habitants de la Chartreuse d’accéder plus facilement au centre-ville et au reste du bassin de vie via les correspondances.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Juliette Dastel : Nous travaillons sur ce projet depuis une dizaine d’années de sorte que les études réalisées, avec la Région Auvergne-Rhône-Alpes et SNCF Réseau, sont en cours de finalisation. Celles-ci portent notamment sur l’amélioration de la fréquence et l’ouverture de nouvelles haltes ferroviaires. Une convention devrait être signée entre tous les partenaires et la Région d’ici la fin de l’année 2024 ou tout début 2025 : ce document précisera le financement et la gouvernance du SERM. Son calendrier de déploiement prendra en compte la mise en service du tunnel transfrontalier du Lyon-Turin prévue pour 2031-2032, car cela aura un impact sur la disponibilité des sillons ferroviaires. Ainsi, nous tablons sur l’ouverture de nouvelles haltes ferroviaires et un début de cadencement avant 2030 avec en parallèle la mise en œuvre d’un plan de mobilité commun à l’échelle de notre bassin de vie.
Au-delà de ces projets structurants, quelles sont les actions mises en place à l’échelle du Grand Chambéry pour améliorer la qualité de l’air ?
Juliette Dastel : Les élus ont exprimé leur volonté de mettre en place une ZFE au 1er janvier 2025 même si la réglementation s’est assouplie pour notre territoire.
Christophe Pierreton : Son périmètre est encore en cours de définition, toutes les communes n’ayant pas encore décidé si elles en feront partie. Dans un premier temps, seuls les véhicules de plus de 28 ans seront interdits, ce qui représente moins de 3% du parc automobile. Cette mise en place progressive vise à préparer l’élargissement de la ZFE à l’avenir.
La nouvelle DSP des transports en commun de Grand Chambéry qui entrera en vigueur au 1er janvier 2025, s’accompagne d’une nouvelle offre dès l’été 2025. Quels seront les principaux changements attendus sur le réseau Synchro Bus ?
Juliette Dastel : La nouvelle DSP, qui sera exploitée par Transdev, prévoit une augmentation significative de l’offre de transport de sorte que près de 89 % de la population sera à moins de 300 mètres d’un arrêt de bus à partir de juillet 2025 : un effort particulier sera réalisé pour mieux desservir en bus les zones d’emplois – notamment Bissy et l’Albanne – les communes rurales et le massif des Bauges. Par ailleurs, cette nouvelle DSP prévoit la mise en place de l’open payment en juillet 2025. Cela permettra notamment de lutter plus efficacement contre la fraude dont le taux est remonté depuis la crise Covid.
Nous allons notamment déployer un nouveau service de TAD qui circulera en dehors des heures de fonctionnement du réseau classique de bus. L’objectif ? Permettre aux actifs, qui travaillent en horaires décalés, de se rendre plus facilement sur leur lieu de travail. Ce TAD circulera avant 5h00 et après 21h00, et s’appuiera sur les arrêts de bus classiques. Nous ciblerons, dans un premier temps, les quartiers prioritaires de la politique de la ville, avant éventuellement de l’étendre ailleurs.
Nous allons aussi proposer un service de TAD plus performant pour répondre aux besoins spécifiques des habitants des zones rurales et périurbaines : ceux-ci pourront désormais effectuer des déplacements à l’intérieur de leur commune en plus d’un rabattement sur les lignes Chrono ou un point d’intérêt comme un centre commercial ou un centre d’activité. Le service fonctionnera sans horaires fixes, d’arrêt à arrêt, et sera désormais réservable au plus tard une heure avant et via une appli mobile.
Enfin, les habitants des Bauges ne disposent aujourd’hui que d’un TAD le vendredi matin pour se rendre au marché. Le nouveau contrat de DSP prévoit un service souple et flexible, fonctionnant toute la journée, y compris le samedi. Cette nouvelle offre permettra de se déplacer à l’intérieur des Bauges, mais aussi de rejoindre la ligne régionale qui dessert Chambéry et Aix-les-Bains. Ce sera une véritable solution de mobilité pour les habitants des Bauges, qui n’avaient jusqu’à présent que le transport scolaire à leur disposition…
Le vélo est un mode de transport en plein essor sur votre territoire avec une hausse de la fréquentation de 10% par an depuis quelques années. Quelles sont les mesures mises en place pour faciliter son usage ?
Juliette Dastel : Nous avons lancé au début de l’été notre nouveau réseau vélo baptisé « Les pistes bleues » : ce réseau est composé de neuf itinéraires cyclables structurants balisés et sécurisés. Plus besoin de sortir son GPS pour se guider. Et les temps de parcours sont indiqués. Ce réseau vise à faciliter les déplacements à vélo sur l’ensemble du territoire et au-delà.
Quels sont les projets notables de Grand Chambéry ?
Juliette Dastel : La construction d’un nouveau dépôt de bus, plus moderne et plus spacieux, est prévue pour l’automne 2029. Le site permettra d’accueillir toutes les technologies de motorisation et de répondre à la croissance du réseau de transport en commun. Sur une flotte de 80 bus, nous avons d’ores et déjà acquis 15 bus qui roulent au bioGNV en 2024. Un choix logique, car nous avons, sur le territoire, un méthaniseur qui produit une quantité de biogaz suffisante pour alimenter les bus de l’agglomération. D’ailleurs, nous avons prévu d’acheter 5 bus bioGNV supplémentaires en 2025… mais aussi 5 bus électriques à batteries dans le cadre de la nouvelle DSP.
Propos recueillis par Pierre Lancien