André-Broto
André Broto
Journaliste spécialiste des transports et des mobilités

« Services Express Régionaux Multimodaux et Services Express Routiers : pourquoi et comment ? »

 

Depuis 2023,  le site de France Nation Verte exposait de la façon suivante les  ambitions du pays en matière de report modal et de SERM (fig1). Une dizaine de projets de SERM en service étaient envisagés à l’horizon 2040, dont 4 en 2030.

Favoriser l'utilisation des transports en commun

Fig 1 : copie d’écran du site « France Nation Verte » illustrant les projets de SERM envisagés, et le calendrier de déploiement associé(https://tinyurl.com/2jp6b73e)

C’est dans ce contexte que j’avais écrit, en janvier 2024, un article  dans Mobilicités, article dans le lequel je plaidais l’urgence qu’il y avait à développer à très court terme des services de cars express, principalement pour des motifs d’équité territoriale, et à s’inspirer du modèle multimodal mis en place entre le Pays Voironnais et Grenoble. L’objectif était aussi et surtout de partir non pas des métropoles mais des besoins des communautés de communes (ou d’agglomérations) situées en périphéries des métropoles. Le titre de l’article résumait à lui seul cette focale « Pays Voironnais : un modèle de Réseau Express de Coopération Intercommunale Multimodal ».

Or il s’est passé beaucoup de choses depuis cette date :

Le 27 avril 2024 le ministère des Transports (sous l’autorité de Mr Patrice Vergriète) diffusait un dossier de presse dans lequel il préconisait « le développement à court terme de services express routiers (SER – cars express et lignes de covoiturage) mis en œuvre au moins dans un premier temps sans aménagement d’infrastructure ».  Il précisait également les étapes nécessaires pour obtenir le statut de SERM.

Dans les mois qui ont suivi, les services de l’Etat ont reçu et labellisé non pas seulement la dizaine de projets de SERM initialement souhaités en 2023, mais 24 dossiers de SERM au total, dont il semblerait qu’ils comportent tous un volet SER significatif. Ce succès confirme que les élus de terrain sont parfaitement conscients de l’urgence d’apporter une réponse aux besoins de mobilité de leurs concitoyens, et du potentiel très sous-exploité des modes collectifs routiers.

Le 1er octobre, dans son discours de politique générale, le Premier Ministre Michel Barnier déclarait : « Nous travaillerons avec les collectivités et les acteurs économiques pour investir en priorité dans les transports du quotidien et offrir des solutions de transport aux Français des zones périurbaines et rurales, à ces millions de travailleurs qui font des dizaines de kilomètres par jour et n’ont pas aujourd’hui d’autre choix que la voiture ». La précision du propos est intéressante et elle mérite qu’on rappelle une fois encore ce type de besoin de déplacements – ce qui sera l’objet du paragraphe intitulé « Les besoins de déplacement des millions de travailleurs des zones périurbaines et rurales qui font des dizaines de kilomètres par jour et qui n’ont pas d’autre choix que la voiture ».

Le jeudi 3 octobre, le ministre délégué aux Transports, François Durovray, prévenait les acteurs du transport public, dans le cadre de la European mobility expo organisée à Strasbourg : « On va avoir de vraies difficultés dans les prochaines semaines, y compris dans mon ministère, liées au mur de la dette ». Dès le lendemain, La Vie du Rail titrait : « Les pistes (démoralisantes) de François Durovray pour financer le transport public » ! Mais le même jour François Durovray défendait son projet de « cars express » : « Une mesure écologique, sociale et rapide à mettre en œuvre ». Enfin, le 13 octobre il annonçait un « plan national de cars express » en 2025 sans pour autant remettre en question le devenir des projets de SERM ferroviaires – ce qui sera l’objet du paragraphe « TER, Car express et covoiturage : des offres nécessaires et complémentaires ».

 

Les besoins de déplacement des millions de travailleurs des zones périurbaines et rurales qui font des dizaines de kilomètres par jour et qui n’ont pas d’autre choix que la voiture

La priorité est clairement définie (travailleurs/zones périurbaines et rurales / faisant des dizaines de kilomètres par jour / captifs de la voiture) ; et pourtant cette catégorie de besoins de déplacements est depuis des décennies un angle mort des politiques publiques, en France comme en Europe, et cela malgré des alertes à répétition.  C’est ainsi notamment le besoin sur lequel l’INSEE alerte en vain depuis des décennies, à travers de nombreuses notes d’information et focus.  Une catégorie de besoin de mobilité qui a été tout simplement oubliée par les dizaines de milliards investis à la suite du Grenelle de l’environnement (2008), dans le cadre du slogan « Il faut développer les modes alternatifs à la route ». En 2017, elle était pourtant le principal objet des « Assises de la mobilité ». Et l’on sait comment elle a ensuite contribué, à l’automne 2018, à l’émergence du mouvement des Gilets Jaunes[2]. Enfin le SGPE[3] a confirmé en 2023 que cette typologie de mobilité représentait, tous motifs confondus, 53% des km parcourus en voiture (et probablement 60% des émissions de CO2).

Plusieurs lois ont tenté, après les lois Grenelle, d’y apporter des éléments de réponse, de la LOM « Loi d’Organisation des Mobilités » en 2019, à la loi sur les SERM adoptée fin 2023.  Et pourtant le sujet reste toujours d’une actualité brulante, car selon le troisième baromètre WIMOOV des mobilités du quotidien, 15 millions de Français sont en situation de précarité mobilité [4] .

Il faut reconnaitre que le problème n’est pas simple.  A mon avis, l’une des raisons principales de ces bégaiements est que l’on recherche des solutions à ce besoin sans prendre le temps de faire un diagnostic précis, une sorte d’état des lieux, des besoins et des pratiques de déplacements de ces « millions de travailleurs des zones périurbaines et rurales qui font des dizaines de kilomètres par jour et qui n’ont pas d’autre choix que la voiture ». Par ailleurs, on ne se donne pas la peine de comprendre les raisons du succès des lignes de cars express existantes. Le Ministre François Durovray connait bien ces deux sujets, puisqu’il a présidé le groupe de travail qui a analysé les besoins de transports dans la grande couronne de l’Ile de France, et porté le projet de « Schéma directeur des lignes de cars express en Île-de-France », adopté en décembre 2023.

Essayons ici d’en rappeler les grands enjeux, en allant du général  au particulier. Le SGPE a bien cadré l’état des lieux (schéma 2) et les enjeux du report modal à l’horizon 2030 (schéma 3)

Situation actuelle la voiture domine la mobilite des personnes

Schéma 2 : distances parcourues par les Français par mode et par classe de distance (source SGPE)

Situation actuelle la voiture domine la mobilite des personnes

Schéma 3 : Potentiel à l’horizon 2030 des principaux leviers de report modal en milliards de de Voyageur*km (SGPE)

 

En matière de décarbonation le problème principal tient aux 797 Mds de km parcourus chaque année en voiture, dont 416 Mds sur le segment des déplacements longs (10 à 80 km) de la vie quotidienne, tous motifs confondus. On est également surpris par la modestie des résultats que l’on peut espérer en matière de report modal, le quadruplement du recours au vélo (17 au lieu de 5 en 2019) permettant de régler seulement 2% du problème ! les bus et cars express seulement 2% du problème, enfin le ferroviaire fait à peine mieux : entre 3 et 4% du problème. Bien sûr les leviers technologiques, et notamment le déploiement du véhicule électrique, sont les plus puissants. Mais ils ne suffiront pas à la tâche, surtout à l’horizon 2030, et une conclusion s’impose donc : il faudra jouer au maximum sur tous les leviers –   mais cela ne suffira pas.

Les scénarios de report modal sont très modestes au regard de l’enjeu global mais leur importance doit être analysée de manière plus fine, car les projets de SERM et de SER doivent cibler en priorité les déplacements longs du quotidien « contraints » (accès aux emplois, aux services de santé, de formation, etc.), et tout particulièrement ceux « des millions de travailleurs des zones périurbaines et rurales qui font des dizaines de kilomètres par jour et qui n’ont pas d’autre choix que la voiture ». Cette précision est fondamentale car les déplacements pour accéder à l’emploi sont non seulement contraints mas il sont en plus vraiment quotidiens (10 par semaine et 6 à 8 pour ceux qui peuvent pratiquer un peu de télétravail). On touche là un besoin essentiel, les problèmes de « fin de mois », un enjeu démocratique d’égalité territoriale. Il faut donc isoler ce poste au sein du poste des 416 Mds de km parcourus identifiés par le SGPE.

Or les données de l’INSEE permettent une analyse fine du motif domicile-travail. En effet, à chaque recensement, l’INSEE documente le lieu du travail de chaque actif et les principaux modes de transports qu’il utilise pour s’y rendre, et ces données sont rassemblées sous le fichier « Mob Pro ». C’est une source de données précieuse collectée depuis des générations et de manière homogène sur tout le territoire, et elle est particulièrement précise sur cette tranche de distance (ce qui n’est pas le cas pour les déplacements internes aux communes). Les valeurs ci-après sont celles de l’année 2018.

En France 8,5 millions d’actifs ont un emploi situé à plus de 10 km à vol d’oiseau (on les appellera navetteurs longs). 7 millions utilisent leur voiture pour s’y rendre, et la distance moyenne de ces déplacements est de 30 km. Sur la base de 230 jours travaillés et d’un abattement de 20%, notre automobiliste navetteur fait 11 000 km par an pour aller travailler : on comprend ainsi mieux les enjeux de fin de mois, d’inégalités territoriales et de CO2. Au total, ce poste représente un peu moins de 80 Mds de km parcouru, et c’est à cette échelle qu’il faut apprécier le potentiel des TER (environ un tiers de leurs usagers prennent le TER pour le motif travail), des cars express (environ les deux tiers), et du covoiturage.

En matière de choix modal, l’Ile de France est un cas particulier. Hors IdF, on recense 6,5 millions de navetteurs longs, dont 6 millions en voiture et 0,5 million en TC[5], soit une part modale extrêmement faible de 8%, qui justifie tous les projets de SERM / SER.

Mais il faut faire des analyses encore plus détaillées, des analyses au niveau des « zones périurbaines et rurales », ce que la précision des données Mob Pro permet de faire. Prenons l’exemple d’une communauté de communes, celle du Pays du Frontonnais en Haute-Garonne. Ce territoire de 28 000 habitants sur 10 communes est situé à 20 / 25 km de Toulouse, à mi-parcours entre Toulouse et Montauban. Il offre 10 000 emplois et abrite 12 000 actifs en situation d’emploi. Les données INSEE 2018 nous apprennent que 6700 actifs, soit 59%, sont des navetteurs longs, ce qui constitue déjà un résultat intéressant (car, à titre d’exemple, à Toulouse ce ratio est de 13%) : on comprend mieux la sensibilité des habitants du Frontonnais et de leurs élus aux enjeux d’accès aux emplois (et aux services essentiels), et la pertinence du rattachement des transports au ministère des Partenariats avec les Territoires.

Pour mieux cerner ceux « qui n’ont pas d’autre choix que la voiture » il faut analyser les comportements des navetteurs entre ce territoire et la métropole de Toulouse, en distinguant trois types de couples « origine-destination » :

  • Ceux qui ont la chance d’avoir leur emploi à Toulouse et d’habiter dans une commune avec une gare (Castelnau d’Estrétefonds) ;
  • Ceux qui ont la chance d’avoir leur emploi à Toulouse et qui n’ont pas de gare dans leur commune de résidence ;
  • Ceux qui ont leur emploi dans la métropole mais à l’extérieur de Toulouse[6].

Ce type d’analyse a été fait avec une demi-douzaine de communautés de communes ou d’agglomération, toutes situés à l’extérieur de la métropole et à l’intérieur d’un cercle de 50 km de rayon, et le tableau 4 en résume les principaux résultats.

 

 

Comme on pouvait s’y attendre le fait d’avoir une gare à proximité est un atout, mais la distorsion entre ceux qui ont une gare et ceux qui n’en ont pas n’est pas si importante, la part modale étant en moyenne divisée par deux. En fait toutes les communes ont soit des lignes de bus de rabattement vers la gare, soit des lignes régulières bus et cars qui les amènent directement à Toulouse[7].

En revanche, ce qui est frappant c’est la chute brutale de la part modale TC pour ceux qui ont leur emploi dans la métropole, mais en dehors de Toulouse. C’est le signe clair que la diffusion à l’aval ne fonctionne pas. On peut le confirmer en étudiant le cas de Blagnac, commune qui concentre 37 000 emplois et qui est très bien desservie par des lignes de transport urbain (Tramway et de bus) :

  • 5 000 emplois sont occupés par des actifs de Blagnac, et bien sûr la part modale est de 30% pour les modes actifs ;
  • 9 800 emplois sont occupés par des Toulousains, qui effectuent en moyenne 6,5 km et pour qui la part modale TC est de 24% : le tramway est donc tout à fait justifié.
  • 12 000 emplois sont occupés par des navetteurs longs venant de l’extérieur de la Métropole. Ils effectuent en moyenne 23 km, et pour eux la part modale TC est inférieure à 3%.

Nota : Les 10000 autres emplois sont occupés par des actifs de la Métropole et des communes voisines autres que Toulouse.

Ce constat confirme que le système de transport urbain de la Métropole (ici le Tramway) est utile pour les habitants de la Métropole mais qu’il ne répond pas aux besoins des périphéries. On pense à offrir des solutions de rabattement dans les zones périurbaines et rurales, mais on oublie trop souvent de vérifier si les modalités de diffusion à l’aval, dans la métropole ou dans la grande ville, répondent effectivement aux besoins des navetteurs longs.

Un exercice analogue conduit autour de Bordeaux Métropole (une demi-douzaine de CC et de CA) conduits aux mêmes résultats : on observe une chute brutale des parts modales dès lors que la destination est en dehors de la ville centre tout en restant dans la Métropole. Et si l’on analyse l’accès aux emplois de Mérignac (desservie par un Tramway), on retrouve le même constat (moins de 3% de part modale TC pour les navetteurs longs venant de l’extérieur de la Métropole). Enfin, à Lyon, les parts modales sont plus élevées, mais l’on observe la même chute brutale dès lors que notre navetteur a son emploi en dehors de Lyon.

TER, Car express et covoiturage : des offres nécessaires et complémentaires

« Il y a cinquante ans, en sortant de la gare Matabiau de Toulouse ou de la gare Saint-Charles de Marseille, le voyageur était près de tout, aujourd’hui il doit, dans bien des cas, entamer une troisième et longue étape de son trajet. »[8]

En un demi-siècle les destinations essentielles (zones d’emploi, universités, hôpitaux, centres administratifs) ont été redéployées dans les quartiers périphériques des grandes villes et dans les banlieues proches. Ces territoires permettaient en outre la création de nombreux parkings de stationnement. La voiture est devenue le moyen de transport le plus évident pour ces destinations et nos systèmes de transport peinent à répondre aux besoins des navetteurs longs qui doivent accéder à ces aménités. Or j’avais vanté dans l’article de janvier 2024 les « performances du modèle multimodal de la communauté d’agglomération du Pays Voironnais », un modèle inclusif avec des parts modales de TC très élevées. Rappelons que le navetteur bénéficie sur cet axe d’une ligne de TER avec de bonnes fréquences, de deux lignes de cars express et de lignes de covoiturage.

Ce modèle est exemplaire parce qu’il propose à l’amont un semis de 12 parcs relais P+R avec une large palette d’offres de transport (tableau 5), et accessibles bien sûr par la route mais également via des pistes cyclables.

 

Tableau 5 services offerts

Mais un tel système de transport multimodal est aussi exemplaire car la localisation des arrêts des lignes de cars dans la ville de Grenoble permet de mieux cibler les concentrations d’emplois et de services essentiels. (Carte 6)

Carte 6 tracé

Carte 6 : tracé de la ligne TER (en rouge) et de la ligne de cars express Voiron Lumbin (en bleu)

Or le CEREMA avait (il y dix ans !) fait une enquête origines-destinations. Cette enquête est modeste, mais elle illustre remarquablement les domaines de pertinence du TER et du Car express (schéma 7 ). 

Ce schéma se passe de commentaires.  Il confirme que les services de TER et de Car express, bien que concurrents en apparence sur le tracé, sont en fait complémentaires en matière de destinations.

Le modèle « Pays Voironnais / Grenoble » nous apprends qu’au-delà de la multimodalité il faut apporter un soin particulier à la localisation et à l’accessibilité des P+R à l’amont, et à la localisation des arrêts et aux modalités de diffusion à l’aval en partenariat avec les acteurs des grands pôles d’emploi (entreprises, centre hospitalier, ..).

On observe la complémentarité rail / route sur d’autres territoires de toutes tailles : la ligne de Car express de 45 km entre Saint-Sulpice-la-Pointe (8000 habitants) et Albi (50 000 habitants) comporte des destinations aux noms évocateurs : Gare Routière, Hôpital, Université. Enfin, à Madrid, plus de 150 lignes de cars express empruntent toutes les autoroutes radiales de la communauté autonome et ont pour destination des pôles d’échange multimodaux situés en périphérie de la ville. Des centaines de milliers de voyageurs les empruntent chaque jour.

Ces trois modèles couvrent un large spectre (d’une ville moyenne à une région capitale), et ils devraient inspirer les réflexions sur nos projets de cars express car ils nous montrent que la multimodalité est une chance, et qu’il faut la saisir avec détermination. 

Supposons en effet que l’on équipe toutes les voies rapides radiales des cent plus grandes villes de France avec 1000 lignes de cars express [9], pour transporter 1 million d’usagers par jour sur 30 km, matin et soir (soit 2000 déplacements journaliers en moyenne par ligne), dont 700 000 pour le motif travail (10% des 7 millions de navetteurs captifs de la voiture cités plus haut), et 300 000 pour d’autres motifs. Sur une base de 230 jours travaillés et de 20% d’abattement pour télétravail, le report modal sur une année s’élèverait à 13,8 milliards de voy*km, soit l’objectif du SGPE pour l’horizon 2030. 

Ce projet en apparence très ambitieux ne répond qu’a 10% des besoins des navetteurs longs :  cela laisse beaucoup de place pour le véhicule électrique, pour le doublement du service rendu par les TER, pour les différentes formes de covoiturage, et bien sûr pour la sobriété.

En un mot comme en cent : si l’on joue sur tous les leviers, cela ne suffira pas sur le plan climatique, mais on aura au moins apporté d’ores et déjà une alternative efficiente aux navetteurs en situation de précarité mobilité.

Il existe une autre source d’inspiration pour répondre aux besoins des captifs de l’automobile qui ont leur emploi à plusieurs dizaines de km

 Lorsque dans les années cinquante on a voulu permettre à tous les enfants français d’aller au collège puis au Lycée quel que soit leur lieu d’habitation on a mis un point un système de transports scolaires. Ce modèle parfaitement équitable était fondé sur des lignes de cars scolaires.

Aujourd’hui 4 millions d’élèves utilisent les transports en commun pour se rendre dans leur établissement, dont la moitié via les transports urbains. Les régions organisent les transports non urbains et transportent 2 millions d’élèves par jour sur des distances analogues à celles des navetteurs.

Ce système qui assure une excellente égalité territoriale d’accès à l’éducation repose sur de très nombreuses lignes d’autocars (6500 circuits en Région Nouvelle Aquitaine et 4000 cars scolaires pour 170 000 élèves) et sur de très nombreux points d’arrêt (20 000 en Bretagne et 21 000 en Occitanie). 

On pourrait s’attendre à ce que ce modèle de transport public qui se faufile dans toutes les communes de France avec probablement 200 000 points d’arrêt, ai des couts de fonctionnement très élevés, or les charges de fonctionnement supportées par les Régions (charges qui couvrent la quasi-totalité des coûts) sont de 2 milliards par an, soit un coût moyen de 1000 euros par élève et par an.  

Il ne fonctionne bien sûr que 180 jours par an, et uniquement le matin et le soir, et c’est également le cas pour certaines lignes de cars express. 

Le « mur de la dette » doit nous inciter à généraliser cette approche et à compléter le service du car express (en dehors des heures de pointe mais aussi pendant les heures de pointe) par du covoiturage organisé. Quel serait le cout par actif transporté d’un service qui se limiterai aux heures de pointe 230 jours par an, qui desservirai quelques centaines d’arrêts en Occitanie au lieu de 20 000, et qui circulerai uniquement sur les grands axes ? Quel serait le reste à charge pour la collectivité sachant que l’usager du car express économise 10 000 km par an et peut donc apporter une contribution significative ?

En guise de conclusion

Nous souhaitons relever le défi démocratique des millions de travailleurs des intercommunalités périurbaines et rurales qui font des dizaines de km par jour, et qui n’ont pas d’autre choix que la voiture. 

Pour relever ce défi nous devons bien sûr partir des besoins des actifs de ces intercommunalités, mais nous devons mettre à la disposition de leurs élus les données issues des fichiers « MobPro » de l’INSEE afin d’éclairer leurs décisions. Ces données existent depuis des décennies et elles sont immédiatement disponibles.

Pour relever ce défi nous ne devons pas nous tromper de cible, la cible c’est l’autosolisme. Ce n’est pas le car express, le TER, ou le covoiturage, et nous devrons offrir toutes les options possibles à ces navetteurs longs captifs de la voiture pour prendre en compte la diversité de leurs origines géographiques, de leurs destinations, et de leurs comportements tels qu’ils sont et n’ont pas tels qu’on aimerait qu’ils soient.

Pour relever ce défi nous devons nous appuyer sur des analyses ex post des défis qui ont été relevés dans le passé. Or l’incontestable succès démocratique de l’accès au collège et au lycée réussi dans les années cinquante par le transport scolaire, est passé sous silence. L’incontestable succès des lignes de cars express mises en service il y a une vingtaine d’années en France et à Madrid est lui aussi passé sous silence. 

 

[2] Voir l’ouvrage publié en 2023 « La ville inaccessible, essai sur une fabrique des gilets jaunes » Gilles Savary Ed. le bord de l’eau

[3] Secrétariat général à la planification écologique

[4] https://barometremobilites-quotidien.org/

[5] Les fichiers Mob Pro ne permettent pas de connaitre le type de transport collectif, mais on sait par ailleurs que le TER a assuré en 2019 303 millions de voyages dont environ un tiers au titre du motif travail. Le TER a donc assuré environ 280 000 voyages par jour pour le motif travail et les lignes régulières de bus et car ont assuré environ 120 000 voyages par jour.

[6] Le fait d’avoir ou non une gare à l’origine est du second ordre

[7] La gare de Castelnau d’Estrètefonds a un trafic journalier de 1000 montées + descentes tous motifs confondus, et sur la base d’un tiers pour le motif DT on arrive à 150 navetteurs

[8] Extrait de « 40 idées reçues sur les transports et pourquoi elles nous empêchent d’avancer »

[9] Voir le dernier chapitre « Pistes d’action » de l’ouvrage « Transports les oubliés de la République quand la route reconnecte le territoire »

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