Quand le tram gratuit de Montpellier fait d’abord concurrence à la marche et au vélo plus qu’à la voiture. Enfin une étude exhaustive sur la gratuité des transports à Montpellier, seule grande métropole de France à avoir franchi le pas dans une démarche controversée. De quoi alimenter le débat avant les municipales de 2026.
Elle est signée de la Cour des comptes qui, en juin 2024, a elle-même sondé les usagers du réseau sur leur changement de comportement et leur perception de l’évolution de la qualité de service depuis la gratuité totale en 2023. 11 000 personnes ont répondu au questionnaire adressé à 73 000 personnes.
« La majorité d’entre elle a simplement maintenu ses habitudes mais, une portion notable de 41,6 % a augmenté sa fréquentation du réseau, tandis que 4,8 % des usagers l’ont réduite » écrivent les magistrats dans leur rapport – “La contribution des usagers au financement des transports publics urbains -le cas de Montpellier “- publié le 28 novembre. Résultat, une hausse nette de 20 % des déplacements en transports collectifs. Cette augmentation s’est concentrée au cœur du réseau et aux heures de pointe, augmentant la saturation du réseau.
Autre enseignement majeur, les nouveaux trajets réalisés en tramway et bus se sont fait au détriment, à 39 %, de la marche, du vélo et de la trottinette, et à 33 % de la voiture et de la moto. Les 28 % restants correspondent à des trajets qui n’étaient pas effectués auparavant » apprend-on. Pas de quoi crier victoire en matière de report modal et de lutte contre la pollution estiment les magistrats.
Seule bémol, à la périphérie de la Métropole, les usagers moins habituels du réseau, ont moins augmenté leur fréquentation qu’au centre. « Cependant, leur report modal est plus vertueux, car il provient davantage de la voiture ».
La Cour analyse aussi ce qui attire ou bloque les usagers. Naturellement ne plus avoir à payer est ce qui motive en premier ceux qui voyagent davantage. La dégradation de la qualité qui motive premier moteur. En revanche, l’accès au tram et au bus jugé plus difficile ( trop de monde à bord, difficulté à se procurer les passes gratuits à emporter sa trottinette etc ) suivi d’une qualité de service jugée en retrait sont invoqués par ceux qui ne prisent pas ces modes de transport.
Ce « bilan mitigé » n’est pas de nature à contenter le maire PS de Montpellier et président de la métropole Michael Delafosse. Celui-ci défend dans sa réponse « un choix politique structurant, fondé sur la justice sociale, la transition écologique et la cohésion territoriale ». Pour l’édile, la gratuité favorise bien le report modal et « la réduire à un simple manque à gagner » constitue une lecture datée des politiques de mobilité. »
Car évidemment le rapport décortique aussi le coût financier de la privation de recettes commerciales ( 32 millions d’euros en moins) et son impact global, sur la dette de la métropole liée au transport urbain ( déjà en hausse) et sur le développement du réseau.
A la lecture du rapport, on découvre les sueurs froides des élus avant de sauter le pas. « L’équation financière posée par la gratuité va être particulièrement complexe à résoudre (perte de recettes + charges supplémentaires liées à une augmentation sensible de la fréquentation) » s’interroge en 2020 le groupe de travail mis en place par la métropole. Il en vient à cogiter sur plusieurs solutions comme la réduction de l’offre ou des coupes dans certaines politiques publiques.
Autre exemple, en 2023, une enquête réalisée pour celle-ci montre que les habitants sondés envisagent utiliser plus les transports collectifs pour leur loisir, pas pour le travail. « la gratuité seule n’aura pas un impact suffisant sur le report modal » conclue-t-elle.
Quelques chiffres pour terminer : Au total, le coût de la gratuité peut être estimé, de manière prudente, à 32 M€ en 2024 et à 38 M€ en 2026, après la mise en service de la ligne 5. Après 2031, il pourrait s’élever à 46 M€ par an compte tenu des coûts opérationnels liés à la mise en service des 17 rames de tramway pour faire face à la saturation, estime le rapport.
Marc Fressoz



