Guillaume Villeton
Directeur Général des Transports SUMA

 

Lorsque Guillaume Villeton évoque l’avenir de SUMA, qu’il s’apprête à diriger, ses mots ne sont ni grandiloquents ni abstraits. Ils sont ancrés dans le réel, nourris par les territoires, façonnés par le quotidien des conducteurs, des mécaniciens, des équipes de terrain. « Dans une entreprise familiale, la continuité est importante », confie-t-il. « Mais elle doit cohabiter avec l’innovation. »
Et cette innovation, chez SUMA, n’a jamais été un slogan : elle se mesure en kilomètres économisés, en logements construits, en carburants adoptés, en dépôts rapprochés des bassins de vie.

Au cœur de sa vision, trois piliers se dessinent déjà clairement.

Un mix énergétique intelligent, taillé pour les territoires.

Pour Guillaume Villeton, la transition énergétique n’est pas un alignement de technologies ni une course aux effets d’annonce. C’est un choix pragmatique : « Pas de dogme, de la logique ».
L’électrique irrigue les zones urbaines, là où les distances sont courtes et les recharges accessibles. Le biocarburant — qui représente aujourd’hui la majorité du parc grâce au B100 — reste la solution la plus pertinente pour les lignes scolaires et interurbaines. Quant au gaz, SUMA avance avec prudence après la volatilité extrême provoquée par la guerre en Ukraine, qui avait fait grimper certaines stations au-delà de 2 € le kilo.

Mais la philosophie est claire : adapter l’énergie à l’usage, et non l’inverse. Un principe simple, presque évident, mais rarement appliqué avec une telle constance. C’est cette lucidité, nourrie par l’expérience de terrain, qui permettra à l’entreprise d’atteindre — voire de dépasser — les objectifs nationaux de décarbonation.

Une politique sociale ambitieuse : le logement comme avantage décisif.

S’il est un point où SUMA se distingue radicalement du reste du secteur, c’est dans sa politique sociale. Depuis trois ans, l’entreprise achète, rénove et aménage des bâtiments proches de ses dépôts pour en faire des logements. De vrais logements : T2, T3, appartements confortables, intégrés dans le tissu urbain ou au-dessus des bureaux.

Aujourd’hui, près d’une cinquantaine d’appartements sont occupés par une centaine de salariés. D’ici l’an prochain, l’entreprise passera à 70 logements. Et les loyers, volontairement inférieurs de 20 à 30 % au marché, lèvent la première barrière à l’emploi : se loger dans des zones où les prix explosent.

« Les logements ne sont pas un gadget », insiste Guillaume Villeton. « C’est un atout déterminant pour les salariés. »
Ce dispositif, rare dans la profession, fidélise, rassure, simplifie la vie. Il permet à SUMA d’accueillir des candidats venus de loin et de stabiliser les équipes. Dans un secteur où la pénurie de conducteurs et de mécaniciens s’aggrave, c’est un avantage stratégique d’une puissance incroyable.

Une multiplication des dépôts pour rapprocher l’entreprise des territoires.

Le troisième pilier de la vision du futur dirigeant est aussi concret que les deux premiers : multiplier les points de chute.
Non par expansionnisme, mais pour servir trois finalités essentielles :

  • réduire les trajets à vide,
  • diminuer les coûts pour l’entreprise et les AOM,
  • rapprocher les salariés de leur lieu de départ.

Un conducteur qui parcourt quarante minutes à vide chaque matin, c’est une énergie perdue, du stress accumulé, un service moins fluide. En densifiant son maillage — notamment en région Sud et en Auvergne-Rhône-Alpes — SUMA améliore l’efficacité, la ponctualité et l’attractivité du métier.

« Plus de dépôts, plus de proximité, moins de kilomètres inutiles », résume Guillaume Villeton.
« C’est bon pour le client, pour le salarié, pour la planète. »

Une vision sobre, profondément concrète, et résolument tournée vers l’avenir.

Dans un secteur souvent traversé par la complexité réglementaire et les injonctions technologiques, Guillaume Villeton propose une lecture différente : celle du terrain, du réel, de la cohérence.
Une vision où la transition énergétique n’efface pas les réalités opérationnelles ; où la performance sociale s’incarne dans des logements, pas dans des slogans ; où le maillage territorial devient un levier climatique autant qu’un levier humain.

C’est à cette intersection, entre continuité familiale et innovation durable,  que SUMA écrira son prochain chapitre.

D’autres informations à découvrir tout au long de « L’Entretien » :

Mobily-Cités : Votre flotte affiche aujourd’hui un mix énergétique très diversifié. Où en êtes-vous réellement ?

Guillaume Villeton : Nous sommes franchement engagés depuis plusieurs années. Aujourd’hui, environ 5 % de nos véhicules sont électriques, 5 % fonctionnent au gaz ou biogaz — selon la disponibilité des stations — et nous avons également près de 10 % d’hybrides, notamment les Mercedes que nous avions achetées à leur sortie.
Mais la véritable colonne vertébrale, c’est le biocarburant : près de 60 % de notre parc roule au B100. C’est un choix assumé, efficace, et très pertinent pour les lignes scolaires et interurbaines. Le diesel représente encore autour de 20 %, mais c’est résiduel et appelé à diminuer.

Mobily-Cités : Pourquoi seulement 5 % de gaz ?

Guillaume Villeton : La guerre en Ukraine a fait exploser la volatilité du gaz. Certaines stations sont montées à 2,20 € le kilo : beaucoup de clients sont devenus frileux, et on les comprend.
Nous, on voit loin, mais on reste pragmatiques. Le gaz, oui, mais là où c’est pertinent. L’électrique pour l’urbain. Le biocarburant pour l’interurbain. SUMA exploite par ailleurs un véhicule hydrogène mis à disposition par la Région Auvergne-Rhône-Alpes, sur des lignes entre Bourgoin et Vienne. Le véhicule n’appartient pas à l’entreprise, mais l’opération nourrit l’expérience interne sur cette technologie.

Mobily-Cités : Vous êtes donc en accord avec les objectifs 2030 ?

Guillaume Villeton : Très largement. Et surtout, nous avons quelque chose d’important : une stratégie par territoire. Pas de dogme. Du sur-mesure.

Mobily-Cités : Avec 1 300 cartes grises et près de 1 400 collaborateurs le développement du groupe génère des recrutements en masse, Comment faites-vous fasse à la pénurie de personnel ?

Guillaume Villeton : « Le recrutement est devenu un combat quotidien ». Nous faisons face aux mêmes tensions que partout ailleurs. Les conducteurs manquent. Les mécaniciens et carrossiers manquent encore plus. Ce sont pourtant des métiers essentiels : sans atelier, les véhicules ne roulent pas.

Mobily-Cités : Le métier de conducteur attire-t-il encore ?

Guillaume Villeton : Il souffre d’un déficit de reconnaissance. Beaucoup ne le connaissent pas vraiment, ou l’imaginent contraignant. C’est dommage : il y a une vraie noblesse dans la responsabilité, le service public, la relation avec les territoires. « 

Mobily-Cités : Vous développez beaucoup de nouveaux dépôts ces dernières années. Pourquoi ?

Guillaume Villeton : Parce qu’un conducteur qui fait 35 ou 40 minutes à vide pour ramener son véhicule, c’est une perte sèche pour lui, pour nous et pour le client. Multiplier les dépôts, c’est réduire les trajets à vide, baisser les coûts, diminuer la fatigue, et rapprocher l’entreprise des bassins de vie. C’est aussi ce qui nous permet de recruter : un emploi à proximité, c’est un emploi accepté. « Multiplier les dépôts : c’est réduire les kilomètres inutiles et fidéliser le personnel».

Mobily-Cités : Depuis deux ans, vous offrez donc des logements à vos salariés. C’est plutôt rare dans le secteur ?

Guillaume Villeton : Oui, et c’est probablement la chose dont je suis le plus fier. Nous avons acheté des parkings, des bâtiments, que nous avons transformés. Aujourd’hui, nous avons près de 50 logements, une centaine de personnes y vivent, et nous monterons à 70 logements l’an prochain.
Ce sont de vrais appartements : des T2, des T3, souvent situés au-dessus de nos bureaux. Confortables, modernes, aux normes. C’est du réel habitat.

Le coût du logement est devenu la première barrière à l’emploi. Et parce que nous pouvons simplifier l’accès : pas besoin des trois derniers bulletins de salaire, nous les avons. C’est sécurisé pour nous, et libérateur pour eux. 

Mobily-Cités : Concrètement, cela change quoi ?

Guillaume Villeton : Tout. Une présence permanente, des candidats qui acceptent un poste, des salariés qui restent. C’est un avantage social immense. Et, soyons honnêtes : rares sont les professions qui peuvent offrir cela.

 

Mobily-Cités : Vous aviez quitté la FNTV. Vous y revenez. Pourquoi ?

Guillaume Villeton : Parce que l’écosystème a changé  et nous avec. L’OTRE fait un excellent travail juridique et réglementaire. Mais en région Sud, la FNTV a une forte présence auprès des élus, des AOM, des métropoles, sa délégation régionale porte un travail d’une intensité et d’une rigueur qui pèsent réellement dans le paysage.

Mobily-Cités : En quoi son rôle est-il si important ?

Guillaume Villeton : Elle est sur le terrain, au contact permanent des institutions : CCI, DREAL, collectivités… Elle porte les dossiers, connaît les transporteurs, comprend leurs difficultés. Elle fait un travail remarquable, sincèrement. Beaucoup le disent. Ce serait presque irresponsable de ne pas s’inscrire dans cette dynamique. Elle apporte un soutien commercial que nous ne trouvons pas par ailleurs.

Mobily-Cités : Pourquoi aviez-vous quitté la FNTV à l’époque ?

Guillaume Villeton : Le coût d’adhésion, et surtout un contexte local tendu. Certains représentants de groupes, dans notre région, rendaient l’ambiance compliquée. Mais les personnes ont changé, et la perception avec elles. Nous n’avons plus du tout le même sentiment.

Mobily-Cités : Vous restez donc à la fois OTRE et FNTV ?

Guillaume Villeton : Oui. Je ne vois aucune contradiction. Les deux défendent le transporteur. Les deux ont des forces différentes. Une voix commune serait bien plus puissante que deux voix rivales. Il ne devrait pas y avoir d’animosité ; il devrait y avoir complémentarité.

Propos recueillis avec grand plaisir par Pierre Lancien

 

 

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