SAM : quand la SNCF carbure aux rêves éveillés

18 09 2025 | Actualités

La SNCF et sa boîte à idées ont fait un rêve délirant, celui d’une France dont 43 % du réseau routier serait réservé aux autocars et aux vélos, et où les trains circuleraient eux aussi 24 heures sur 24, « avec une fréquence à la demi-heure tous les jours de la semaine et à l’heure la nuit (de 00 à 5 h) ».  Car « la liberté de déplacement ne doit pas être réduite le week-end. » Tant pis pour l’entretien des voies ferrées.

Ce Système alternatif de mobilité (SAM) « revient à 60 milliards d’euros par an ». C’est cher. Mais « c’est cinq à six fois moins que le coût collectif du système voiture » qu’il remplacerait en partie affirme une étude de faisabilité technique et financière dévoilée le 16 septembre par Forum Vies mobiles, le think tank financé par la SNCF. Les économies découleraient en partie de cette idée consistant à laisser 20 % des routes secondaires se détériorer : « cela pourrait générer des économies d’entretien significatives pour les collectivités » (MDR).

Prière de ne pas rire pourtant, le 1er avril n’a pas été avancé au mois de septembre. On ne prêterait pas attention à cette utopie bâtie si elle n’avait occupé des gens sérieux à en débattre une après-midi près de la gare de Lyon : Marie-Ange Debon, la patronne de Keolis, Alain Krakovicth le directeur de l’activité TGV Intercités chez SNCF Voyageurs, ou des parlementaires comme Olga Givernet, sans compter le président du Conseil d’orientation des infrastructures David Valence, tous favorables à une extension massive des transports publics. Le fameux mantra « choc d’offre ».

Autre point d’intérêt, la paternité de cette idée revient à l’ingénieur Pierre Helwig, souligne le think tank. A la ville, il pilote au sein du ministère des Transports les projets de plateformes services et infrastructures ferroviaires de la DGITM. Auparavant, il était le conseiller mobilité de la maire écologiste de Strasbourg.

Peu importe l’impasse financière majeure dans laquelle se trouvent l’entretien du réseau ferroviaire ainsi que le modèle de fonctionnement des transports collectif, une réalité soulignée lors d’Ambition France Transports. Forum Vies Mobiles joue la fuite en avant.  

Le SAM est un super SERM, généralisé au niveau national qu’on peut « dès à présent mettre en place et faire fonctionner » apprend-on. Il suppose en un claquement de doigts une offre multimodale cadencée, une infrastructure transformée et un Maas national. 

Pour crédibiliser son système, le think tank s’est aidé de deux bureaux d’étude, Vizea et BL Evolution, composés de jeunes consultants, qui se veulent exemplaires en matière de développement durable et d’utilisation des modes alternatives dans leur quotidien. Ils s’en sont donnés à cœur joie en coloriant la carte de départements selon leur caractéristiques tantôt d’un réseau de pistes cyclables ou de vélo rues (Ille-et-Vilaine), tantôt d’un entrelac de lignes de cars (Loiret, Creuse).

Le think tank part de convictions idéologiques : c’est le modèle de la voiture qui est à bout de souffle. « Seuls 12 % des Français se sentent libres de conduire en toute liberté où et quand ils le souhaitent ». Tiens donc… Et la voiture électrique n’a pas d’avenir.

Aussi « dès que nécessaire, l’espace sera repris sur la voiture individuelle au profit du plus grand nombre et de l’apaisement des lieux de vie » rêvent les auteurs de l’étude. En somme la boîte à idées de la SNCF propose d’appliquer à la campagne ce qu’Anne Hidalgo et ses adjoints écologistes ont réussi à Paris. De quoi ressusciter les Gilets jaunes.

Telle une bouffée d’opium en ces temps terribles, cette vision a fait planer la salle, composée de membres du groupe SNCF. « Je suis complétement acquis et enthousiaste » témoigne un salarié de Kisio, une activité de Keolis. « J’ai le moral gonflé à bloc » ajoute une cheminote de SNCF Voyageurs. Gare à ne pas casser l’ambiance en émettant des doutes sur le réalisme financier du SAM dans un contexte de dette galopante. « Ouvrez-donc vos chakras. Vous êtes donc pro-voiture ? »

Pas sûr que le portage politique s’avère payant électoralement. « Ce rapport est encore plus radical que ce que nous proposons, nous n’allons pas jusqu’à proposer la suppression des voitures » commente Sylvain Carrère, un député LFI de l’Hérault. C’est dire.

La SNCF et son bras armé qui publie des études plutôt solides d’habitude ont-ils voulu faire le buzz médiatique cette fois-ci ? Dans l’espace de la bataille idées, il est primordial pour elle de garder de son côté une opinion plutôt favorable au rail.

« Il faut faire attention à ce que cela ne soit pas contreproductif » estime toutefois David Valence, conseiller régional Grand Est. Il alerte sur les renversements susceptibles de se produire en cas de rupture politique majeure : « Chez moi, les élus RN considèrent qu’il ne revient pas à la région de financer le rail ». Encore moins SAM.

Marc Fressoz

 

 

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