« Nous effectuons avec la région la révolution du post paiement »
Arrivé à la tête de l’activité TER dans la région en 2023 après avoir occupé divers postes à la SNCF (Transilien, TER Normandie, directeur sécurité du groupe etc.), Gaël Barbier détaille les enjeux d’une convention qui garantit à la SNCF son monopole jusqu’en 2032. Pour autant, l’opérateur ferroviaire est sous pression : développement de l’offre, meilleure productivité, amélioration de la ponctualité font partie des défis à relever.
Quelle est votre feuille de route en tant que directeur du TER ?
Le Conseil régional d’Occitanie a fait confiance à SNCF Voyageurs et a choisi de ne pas ouvrir ses lignes liO à la concurrence avant 2033. La convention signée avec SNCF Voyageurs fixe une feuille de route jusqu’en 2032 qui s’organise autour d’un objectif : changer les habitudes de mobilité en Occitanie où la part des déplacements dans les émissions de CO2 qui pèse pour 40 % est plus importante qu’ailleurs. Sachant qu’une personne optant pour le train émettra 10 fois moins de CO2 qu’en voiture, il s’agit d’augmenter l’offre de 24% sur la durée et de donner la possibilité aux gens de continuer à se déplacer, étudier, se rencontrer et aux entreprises de continuer à développer dans les territoires tout en préservant la planète.
En termes de fréquentation, il s’agit de passer de 80 000 à 100 000 voyageurs quotidiens, où en êtes-vous ?
En 2019 nous transportions 66 000 voyageurs par jour, au démarrage de la convention actuelle, nous en étions à 80 000 et en 2024 à 91 000 en moyenne. Par rapport à l’avant Covid, la hausse des voyageurs.km transportés est de +68%, c’est énorme. L’objectif est d’atteindre le plus rapidement possible les 100 000 voyageurs, un seuil franchi plusieurs fois l’an dernier. Il nous faut maintenant Il nous faut maintenant stabiliser ce niveau en assurant cette croissance dans de bonnes conditions pour les voyageurs.
L’absence de mise en concurrence vous pousse-t-elle malgré tout à vous améliorer ?
Si la Région nous a renouvelé sa confiance, nous n’avons pas pour autant bénéficié d’un blanc-seing. Le développement de la fréquentation repose en grande partie sur une optimisation de notre organisation, ce qui permet à la Région de développer l’offre tout en limitant sa contribution compte tenu du contexte dans lequel se trouvent les finances publiques. Le système de bonus-malus qui prévoit des pénalités élevées si nous ne tenons pas nos objectifs constitue un puissant aiguillon. Même si la concurrence n’est pas là, SNCF Voyageurs a déjà entamé sa transformation en Occitanie, en s’inspirant de ce que font les autres régions et en innovant, servant alors nous aussi de modèle.
L’augmentation de l’offre passe-t-elle uniquement par une augmentation des moyens ?
Entre l’exploitation des trains et la maintenance, nous avons revu en profondeur notre organisation et procédé à des recrutements. Nous avons déplacé le plus possible les créneaux d’entretien des rames la nuit et le week-end qui sont des moments où on en a le moins besoin. Tous les jours, c’est l’équivalent de la capacité de 20 rames supplémentaires, soit une augmentation de 18 000 places, qui est proposée aux voyageurs en Occitanie. Nous figurons parmi les régions les plus efficaces de France.
Reste le point noir de la régularité avec 89% de trains à l’heure contre 91,6 % pour la moyenne des TER, comment cela s’explique-t-il ?
Il y a trois grandes familles de causes, la première étant celle des causes externes. Ce sont par exemple les accidents de personnes, les vols de câble, des phénomènes liés à la météo dans une région où les lignes sont très utilisées par plusieurs acteurs fret et voyageurs (IC, TGV, TER). Des actions spécifiques sont menées notamment avec les forces de l’ordre pour réduire les vols de câble. Deuxième famille, les dysfonctionnements liées à l’infrastructure touchant par exemple la signalisation. SNCF Réseau a consacré 550 millions d’euros l’an passé et 500 millions cette année à la régénération et au développement du réseau. Nous allons recruter au sein de SNCF Voyageurs Occitanie 120 personnes encore cette année, portant à 500 le nombre de recrutements depuis 2021. Vous noterez que tous les métiers SNCF se déclinent au féminin.
L’Occitanie est une région qui rouvre des lignes, comme la rive droite du Rhône, certains critiquent estime le résultat décevant en termes de trafic, qu’en dites-vous ?
Je ne dirais pas cela, le bilan au bout d’un an c’est près de 75 000 voyageurs. Nous avons atteint les objectifs avec la première phase de cette réouverture, le seconde consistera à desservir de nouvelles haltes et à proposer des fréquences complémentaires. Notre énergie est aujourd’hui mobilisée sur la réouverture de Montréjeau-Luchon en juin. C’est une formidable nouvelle pour le territoire.
Avec la Région Occitanie, vous avez mis en place une tarification novatrice, quel est son principe ?
La Région Occitanie et SNCF Voyageurs ont effectué une révolution avec le post paiement et avec une tarification innovante et attractive (les formules « += »). C’est la capacité, sans acheter de titre de transport en amont, de signaler sa montée, sa descente et payer automatiquement le tarif le plus intéressant. La Région a mis en place la gratuité à l’usage pour les jeunes, des formules dégressives, plafonnées, et une fidélisation avec une cagnotte qui fait que le mois d’après je paye moins si j’ai voyagé beaucoup. Tous ces éléments, avec l’augmentation de l’offre (+230 trains/semaine en 2025), contribuent à créer une forte attractivité en faveur du train.
Cette tarification optimisée contribue-t-elle à augmenter les recettes à la mesure de la fréquentation ?
Elle contribue à augmenter les recettes commerciales c’est certain, la Région Occitanie est la première en termes d’augmentation de trafic et l’une des premières en croissance de chiffre d’affaires. Le billet à 1 € mis en place par la Région le premier week-end de chaque mois permet de faire découvrir le train à des personnes qui ne l’auraient jamais pris le train. Nos enquêtes montrent qu’une partie des voyageurs qui a goûté au train à ce tarif revient à un tarif différent.
Le billet à 1€ une fois par mois, n’est-ce pas compliqué à gérer en termes d’exploitation ?
Nous sommes maintenant bien rodés pour adapter nos capacités même si cela reste un défi chaque mois. Nous avons une connaissance très précise de nos voyageurs grâce au travail de nos contrôleurs et contrôleuses, certaines rames sont en outre dotées de cellules compteuses, si bien qu’en tenant compte aussi d’autres facteurs comme la météo, nous pouvons anticiper la fréquentation, renforcer nos trains et organiser la maintenance. Nous avons aussi la capacité d’arrêter la vente des trains complets pour que les voyageurs puissent se reporter sur le train suivant et voyager confortablement. Toutes les équipes de SNCF Voyageurs assurent cette prouesse du week-end à 1€ initié par la Région, dans tout le territoire d’Occitanie.
Avec la région, où en êtes-vous du déploiement de trains plus propres ?
Après avoir fait circuler un train hybride sous forme expérimentale, nous expérimenterons un train à batterie en fin d’année sur Nîmes-Vauvert puis, fin 2026, ce sera au tour d’un train hydrogène sur Montréjeau-Luchon. L’Occitanie est la seule région de France à être engagée dans ces trois projets d’avenir. Nous explorons également l’intégration de biocarburants pour réduire encore davantage notre empreinte carbone. Parallèlement, nous travaillons côté SNCF Voyageurs avec nos agents à rendre plus économe le mode de fonctionnement des trains, avec l’éco-stationnement, en arrêtant à chaque fois que possible les moteurs et avec l’éco-conduite qui permet aux conducteurs d’adapter la conduite tout en respectant les horaires.
Propos recueillis par Marc Fressoz
