Elections européennes: concurrence, aérien, verdissement automobile… des divergences à la marge dans les différents programmes transports

27 05 2024 | Actualités

Le débat organisé le 23 mai par le think tank TDIE en partenariat avec Mobilettre a permis de passer en revue les propositions des principaux candidats eux prochaines élections européennes en matière de transports et de mobilité. En introduction, les deux co-présidents de TDIE, Philippe Duron et Louis Nègre, avaient rappelé les enjeux: comment réduire les émissions de gaz à effet de serre liés aux transports, sans forcément restreindre la mobilité des individus, et tout en préservant la compétitivité de l’industrie européenne? Et quel doit être le rôle de l’Europe pour répondre à ces défis, notamment via les soutiens financiers, alors que les budgets des Etats et des collectivités locales sont de plus en plus sous contrainte? «Il faudrait 780 Md€ pour financer les projets de SERM en France, alors qu’à ce jour, le financement réellement disponible ne dépasse pas 80 Md€», a ainsi pointé Louis Nègre.

La nécessité de décarboner les mobilités fait justement l’unanimité ou presque parmi les candidats présents. Tous ne sont pas d’accord sur les moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs du Green Deal européen, soit la neutralité carbone pour 2050, avec une étape à 55% de réduction des émissions en 2030. Abdoulaye Diarra, pour les Ecologistes (liste menée par Marie Toussaint), a rappelé les combats menés par Karima Delli, eurodéputée sortante et présidente de la Commission Transport et Tourisme, pour sortir de notre dépendance au système automobile et aux énergies fossiles. La priorité est donnée au ferroviaire, aussi bien pour les voyageurs que pour les marchandises, et aux modes doux, avec une dimension sociale que reflète le soutien au Ticket Climat inspiré de l’Allemagne. Le cheminot Beranger Cernon, pour la France Insoumise (liste menée par Manon Aubry), adopte une position similaire et dénonce le manque de volonté politique en matière de décarbonation des mobilités, et les logiques libérales à l’œuvre. «La réduction de l’endettement ne devrait pas être un dogme qui empêche d’engager de véritables politiques de transition écologique», souligne-t-il. Pour LFI, pour faire passer la part du fret ferroviaire de 10 à 25%, il faut revenir sur l’ouverture à la concurrence, et nationaliser l’activité en assumant la désobéissance aux règles européennes. La transition énergétique nécessite la mise en place d’une planification économique déclinée de façon sectorielle, avec un soutien massif en faveur du report modal vers les modes collectifs et les modes doux et actifs. Quant au trafic aérien, il doit être réduit et davantage taxé, à commencer par le kérosène. L’analyse est similaire du côté communiste : Jacques Baudrier (liste menée par Léon Deffontaines) préconise de réduire les vols aériens, notamment en interdisant les vols intérieurs, y compris intra-européens, pour se concentrer sur la croissance du ferroviaire et la finalisation des RTE-T. Les investissements dans le rail devront être multipliés par cinq dans les années à venir, à l’image de l’effort consenti pour l’Ile-de-France.

Nuances sur la place de la voiture

Olivier Jacquin, pour Réveiller l’Europe (liste menée par Raphaël Glucksmann), défend lui aussi le ticket climat et le fret ferroviaire. Comme son adversaire communiste, il veut aussi mieux protéger l’industrie automobile européenne, notamment grâce à l’augmentation de la taxe carbone aux frontières, qui permettra de financer les mesures de transition énergétique. La mise en place de l’Eurovignette couplée à la fin des concessions autoroutières constitue une autre piste de financement poussée par Réveiller l’Europe. Pour sa part, Clément Beaune, représentant la liste Renaissance (menée par Valérie Hayer) est partisan d’une politique visant le développement de transports décarbonés et accessibles à tous. L’ex-ministre délégué aux Transports estime que la voiture va continuer à faire partie du « mix des solutions ». Il attend également de l’Europe qu’elle s’engage davantage, et compte peser dans le choix d’un(e) commissaire aux Transports volontariste. Il veut aussi accroître les financements européens, ainsi que le recours à un emprunt pour les secteurs prioritaires. Du côté social, comme l’ensemble de ses adversaires, il estime que l’Europe doit permettre de mieux lutter contre le dumping social. Christine Lavarde, pour les Républicains (liste menée par François-Xavier Bellamy), se positionne quant à elle en faveur d’une approche conciliant engagement environnemental et liberté d’entreprendre. Elle rappelle que le développement durable repose sur trois piliers: économique, sociale et environnemental, et que le dynamisme économique permettra de financer la transition écologique. Pour elle, dans une Europe composée à 80% de zones rurales, la voiture individuelle ne peut pas être laissée de côté: il faut donc apporter des réponses différenciées selon les territoires. Elle considère qu’il appartient à l’échelon européen de fixer les objectifs ambitieux en matière de réduction des émissions, mais que ce sont les Etats qui doivent garder la main sur la stratégie à mettre en œuvre pour les atteindre. Philippe Olivier, pour la liste RN (menée par Jordan Bardella), reprend une logique similaire et l’accentue. Il n’hésite pas à taxer les eurodéputés de wokisme, leur reprochant d’adopter un raisonnement qui, pour protéger la nature, considère l’être humain comme un oppresseur. Il dénonce une série de restrictions, limitations, interdictions édictées sans solutions scientifiques, et qui conduisent à «nous faire mourir guéris». Pour réduire les émissions, le RN mise sur la relocalisation et le rapprochement entre lieux de production et de consommation.

Selon les enquêtes d’opinion les plus récentes, les élections européennes du 9 juin prochain pourraient aboutir à donner la majorité au Parti populaire européen (PPE), dont les députés LR font partie. Le nouveau Parlement aura ensuite la charge de désigner les membres de la Commission.

Sandrine Garnier

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