Yohan-Nedelec
Yohann Nedelec
Vice-président (PS) de Brest Métropole chargé des Mobilités, des Grands projets et de la Rade

« Doubler la part des transports en commun à l’horizon 2040-2050 »

Grâce à un versement mobilité dynamique, la métropole brestoise poursuit ses investissements dans les transports en site propre avec l’objectif de doubler la part des transports en commun à 20%. Le vice-président chargé des mobilités, Yohann Nedelec, vante l’adoption de l’open-payment, le fort développement du vélo et explique comment la métropole pourrait tirer parti de sa spécificité naturelle pour limiter l’engorgement routier.

Propos recueillis par marc Fressoz

Mobily-Cités : La Métropole de Rennes présente toute une palette de transport différents, du téléphérique au tramway. Quel bilan en tirez-vous ?

Yohann Nedelec : Le téléphérique enjambe la rivière Penfeld et relie un nouveau quartier d’habitat, avec un centre culturel, une médiathèque, des commerces. C’est une nouvelle ville dans le centre-ville. Le pari est totalement réussi, ce n’est pas un gadget. Ce téléphérique est partie prenante du réseau de transport en commun, au même titre qu’un bus ou qu’un tramway, avec la même billettique. Et comme la vue est belle depuis le téléphérique, il a aussi une vocation touristique.
Quant au tramway, il a apporté une dynamique plutôt positive à la ville. L’immobilier s’est développé et son couplage avec les parkings relais et les pôles multimodaux favorise l’arrivée au centre-ville en utilisant les transports en commun.

Ces équipements ont-ils fait reculer la part de la voiture ?

A Brest, la part modale des transports en commun s’élève seulement à 10%. Même si elle a progressé face à la voiture, elle reste donc très minoritaire. Avec la troisième génération de transport en commun en site propre (la nouvelle ligne de tramway, la création de bus à haut niveau de service et les pôles d’échanges multimodaux) et les autres mesures que nous allons mettre en place, l’objectif est de doubler la part des transports en commun à l’horizon 2040-2050.

En attendant, avez-vous effacé l’effet du Covid sur la fréquentation ?

Nous ne sommes pas revenus à 100% du niveau de trafic de 2019. On oscille entre 85% et 90%, sachant qu’il y a eu quelques mouvements de grève fin 2022, et quelques soucis sur le réseau.

Pour faire bouger les lignes, quel équilibre allez-vous trouver entre le développement de l’offre et restrictions de circulation pour les automobilistes ?

Nous allons jouer sur les deux. La ZFE qui sera mise en place à partir du 1er janvier 2025 coïncidera avec la mise en service des nouveaux transports. Cela s’accompagnera de contraintes et d’incitations. Nous créons dix pôles d’échanges multimodaux aux entrées de Brest. Et la politique volontariste au niveau régional soutient le développement du covoiturage avec ehop, et de l’autopartage.

Au total, à combien s’élèvent les investissements prévus sur le mandat ?

Ils atteignent 219 M€ incluant donc la ligne de tramway, le BHNS, les pôles d’échanges multimodaux, les aménagements pour le vélo, qui s’échelonnent jusqu’à fin 2025 début 2026.

Comment absorbez-vous à la fois les coûts de fonctionnements supplémentaires et l’investissement dans l’infrastructure ?

Le forfait de charge qui est versé à notre délégataire oscille entre 43 et 45 M€, les recettes de billetterie représentant environ 13 M€. Le versement mobilité que nous avons porté au taux maximum de 2% rapporte environ 41 M€ et sert aussi à couvrir l’amortissement du tram, qui se fera sur 50 ans. A Brest, nous avons la chance de pouvoir compter sur un versement mobilité dynamique et qui va le rester. La masse salariale augmente grâce aux implantations d’entreprises. Nous avons aussi de gros employeurs publics comme la Marine nationale.

La gratuité fait-elle toujours débat ?

Fin 2022, un faux tract a été diffusé avec le logo de Brest Métropole, pour annoncer que le président allait faire voter la gratuité des transports en commun. On ne peut pas raconter que la gratuité est l’alpha et l’oméga, alors qu’une partie de la population peut payer sans difficulté. A cette idée, nous préférons les tarifs solidaires qui montent en puissance et qui ont vocation à évoluer. Avec la gratuité totale, comment renouveler régulièrement la flotte de bus et les rames de tramway ?

Quelle est votre stratégie de renouvellement de la flotte de bus ?

Depuis déjà deux ans, nous avons entrepris de migrer petit à petit sur l’électrique et le biogaz, dans des proportions qui ne seront pas tout à fait égales. Pour desservir la périphérie de Brest, le biogaz est plus adapté compte tenu de la longueur des lignes, tandis que dans l’hypercentre les véhicules seront électriques. Avec en moyenne 9 à 12 bus livrés chaque année, l’objectif est d’avoir abandonné le diesel en 2028. On imagine un parc limité à 70 à 80 bus au lieu de 100, compte tenu de l’ouverture de la seconde ligne de tram qui remplacera des lignes de bus.

Brest est devenue une métropole en 2015, sans accroissement de son périmètre géographique. Ce changement a-t-il fait évoluer la question des transports ?

Nous étions communauté urbaine jusqu’en 2015, et sans avoir pourtant le seuil minimum de 400 000 habitants requis, nous avons obtenu la transformation en métropole en mettant en avant l’existence d’un pôle métropolitain extrêmement riche et actif qui s’adresse à tout un pays au-delà de la seule communauté urbaine. Le territoire alentour était déjà irrigué par un réseau de transport bien installé. Aujourd’hui nous avons des enjeux en termes de fréquences, en termes de lieux urbanisés à relier entre eux, en terme écologique notamment à travers d’utilisation de la rade de Brest qui est un formidable terrain de jeu.

En quoi la rade de Brest pourrait-elle élargir le réseau Bibus ?

De l’autre côté de la rade, la ville de Plougastel-Daoulas fait partie de Brest métropole. Chaque jour, de nombreux habitants rejoignent Brest en voiture, ce qui entretient la congestion. J’ai demandé des études de marché, de faisabilité, et géographique sur une liaison par bateau pour relier le port de commerce de Brest à d’autres territoires de la métropole. Cela implique notamment la création d’aires de stationnement de l’autre côté de la rade.

Comment abordez-vous le sujet du rapport entre l’arrière-pays et les métropoles ? Par une meilleure coordination avec les autres niveaux de collectivités ?

Je milite activement pour que la métropole et les intercommunalités du Pays de Brest puissent mener des expérimentations. Autour des huit communes de Brest Métropole, on trouve des pôles urbains comme Plabennec Saint-Renan, Lesneven, Châteaulin, avec des enfants scolarisés le plus souvent en secondaire ou en école supérieure à Brest. Les parents travaillent en général dans le secteur brestois et ont aussi un intérêt à avoir des mobilités efficaces. A chacun sa compétence, il n’empêche qu’à un moment, il faudra, en bonne intelligence avec la région, proposer un service que l’usager puisse bien plus facilement comprendre.

La logique de la LOM n’a pas été poussée à son terme ?

Sur le terrain, personne ne comprend qui s’occupe du car, maintenant que ce n’est plus le département. L’usager a besoin de cohérence au niveau tarifaire et de lisibilité. J’aimerais pouvoir proposer à moyen terme une expérimentation sur un territoire donné du pays de Brest avec le même logo sur les véhicules, un seul transporteur, une tarification similaire ou quasi similaire. La finalité, c’est l’usager à qui il faut pouvoir offrir une continuité quand il arrive de Plabennec pour aller au centre-ville de Brest.

Vous avez confié en 2019 le réseau à RATP Dev à la place de Keolis. Quelle plus-value vous apporte ce délégataire ?

Il y avait des enjeux importants en termes de nouvelles technologies ou en termes d’adaptation aux besoins des usagers. Je suis très fier que Brest soit dotée de l’open payment. Pouvoir payer avec une carte bancaire ou un smartphone a changé la vie des usagers occasionnels. C’est aussi un moyen de réduire la fraude. Cette solution est une proposition que RATP Dev avait formulée. Le délégataire a également mis en place un système de fidélisation comme dans les commerces classiques : plus je prends les transports en commun, plus j’ai des points pour aller dans les commerces de Brest. Il y a aussi la mise en place du réseau de vélos électriques, et sur un autre plan, un dispositif d’alerte contre les agressions sexuelles et sexistes.

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