Marie-REBOUL
Marie Reboul
vice-présidente Marketing & Communication – Getaround

« Il faut aller plus loin pour encourager l’autopartage »

 

Fondée en 2009 aux Etats-Unis, Getaround est dans près de 1000 villes à travers le monde avec sa plateforme de mise en relation dédiée à l’autopartage. En partenariat avec Cetelem, la société vient de lancer en France une solution de financement automobile assortie d’une incitation à partager son véhicule. Marie Reboul, vice-présidente Marketing & Communication de Getaround, revient sur les évolutions du marché et ses perspectives.

Propos recueillis par Sandrine Garnier

 

Mobily-Cités : Vous lancez, avec Cetelem, une offre de financement automobile qui encourage le recours à l’autopartage. Quels sont vos objectifs ?

Marie Reboul : Au niveau qualitatif, notre objectif est surtout de démocratiser l’autopartage, en permettant aux Français qui décident d’acquérir un véhicule et de contracter un prêt personnel d’amortir leurs frais en partageant leur voiture sur notre plateforme. Nous offrons ainsi une prime de 200€ à l’issue de la première location réalisée via Getaround aux propriétaires de véhicules. Au-delà de la problématique du financement, notre enjeu est aussi de montrer que l’autopartage est l’une des solutions à la mobilité de demain, qui doit être plus durable et plus accessible. Certains Français ne peuvent pas, ou ne souhaitent tout simplement pas s’acheter un véhicule, il est donc important que ceux qui en possèdent puissent réfléchir dès l’achat à le partager. En encourageant les particuliers à le faire, on sensibilise aussi à la réduction des émissions de CO2 associées aux véhicules individuels. Pour rappel, le transport représente 30% du bilan carbone moyen des Français, dont la moitié est liée à la voiture personnelle. L’autopartage est un des leviers existant pour la décarbonation de la route, comme confirmé par l’Ademe dans son étude de 2022.

Comment la pratique de l’autopartage a-t-elle évolué depuis la fin de la crise sanitaire, et le rachat de Drivy ?

La pratique de l’autopartage se développe en France, l’Association des Acteurs de l’Autopartage (l’AAA) le souligne dans son dernier baromètre avec une hausse de 43% l’an dernier. Cela dit, il reste encore du chemin à faire pour faire connaître cette pratique de mobilité, encore trop souvent confondue avec le covoiturage. De notre côté, chez Getaround, on voit une évolution de l’adoption de la pratique sur la plateforme d’année en année. Suite à la crise sanitaire et aux changements sur le marché du travail (généralisation du télétravail, semaine de 4 jours pour certains), on observe une véritable tendance à l’utilisation de l’autopartage, surtout pour de longs week-ends. Nous voyons par exemple une réelle progression des réservations avec un départ prévu le jeudi, de 17% en 2019 à 25% l’an dernier.

 

Getaround propose aussi bien de l’autopartage entre particuliers que des services professionnels. Quels sont les points communs entre ces deux marchés ?

Initialement, la plateforme est une marketplace mettant en relation les particuliers pour une location de voiture. Le modèle a ensuite évolué avec les pratiques : au vu de la performance de leurs locations et des revenus générés, quelques entrepreneurs ont commencé à acquérir plusieurs véhicules, et quelques-uns se sont constitué une flotte, en se lançant à plein temps dans l’activité autopartage.
En ce qui concerne l’utilisation de la plateforme, nous remarquons une croissance importante des trajets effectués pour raisons professionnelles (en décembre par exemple, nous avons observé une hausse de +34% par rapport à 2022). Nous avons d’ailleurs lancé une offre à destination des professionnels afin qu’ils puissent avoir accès à un compte spécifique à leurs besoins. Nous avons des exemples d’entrepreneurs qui ont des besoins limités en matière de mobilité et n’ont pas forcément intérêt à se doter d’un véhicule professionnel à plein temps. Nous répondons alors facilement à leur demande avec notre fonctionnalité Connect, qui leur permet d’avoir accès 24h/24 à un véhicule au besoin, près de chez eux ou de leur lieu de travail. Il en est de même pour les particuliers démotorisés, pour qui posséder un véhicule n’est pas intéressant, ni financièrement, ni d’un point de vue pratique. L’accès à une voiture facilité par l’autopartage leur permet d’avoir l’esprit tranquille en cas de besoin.

Les constructeurs automobiles développent leurs propres offres de mobilité partagée. Quel regard portez-vous sur cette concurrence ?

Nous sommes satisfaits de voir que l’offre de mobilité partagée se développe en France, c’est le signe de la réponse à une demande des Français, de plus en plus enclins à se déplacer autrement, et sensibles à la question de la réduction des émissions de CO2, qui doit s’accélérer au vu du changement climatique. Toutefois, l’offre lancée par les constructeurs auto peine à se faire une place et durer dans le temps, au vu des nombreuses contraintes du modèle de free-floating (on le voit avec le récent arrêt de Zity). De notre côté, nous sommes engagés à développer l’autopartage en boucle, qui contribue pleinement à réduire les émissions liées au transport. L’Ademe démontre à ce sujet qu’une voiture en autopartage permet de supprimer entre 5 et 8 véhicules personnels sur les routes, et entre 10 et 19.000 km.

L’autopartage est souvent présenté comme un levier puissant de décarbonation, en association avec l’électrification du parc. Mais l’autopartage peut-il réellement se développer sans soutien des pouvoirs publics ? 


L’avenir de l’autopartage ne dépend pas uniquement de l’action des acteurs privés tels que nous. Pour encourager les Français à adopter cette pratique, il faut aller plus loin, par exemple en allégeant les modalités de taxation des revenus générés par les particuliers, ou en augmentant les seuils de passage en statut professionnel, par exemple. Des avancées sont aussi en cours au sein des villes et collectivités, et de plus en plus s’engagent en faveur de l’autopartage, en aménageant des stations et des voiries dédiées. Il faudrait au niveau national donner plus de visibilité à ces initiatives, et les soutenir davantage (bon nombre ne savent par exemple pas que l’autopartage est éligible au fond vert par exemple). C’est avec une politique favorable aux mobilités partagées que l’on pourra avancer d’autant plus.

 

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