Taxer les entreprises pour financer les TER ? Non merci, très peu pour moi. Sensibles aux signaux d’alarme du Medef dans une situation économique inquiétante, plusieurs régions présidées par la droite viennent de prendre une position inattendue en déclarant refuser de bénéficier du versement mobilité régional fraîchement créé par la loi de finances 2025. Il permet de prélever 0,15 % de la masse salariale des entreprises au-delà de 11 salariés et d’en affecter le produit aux transports régionaux, quand sa version historique touche les transports urbains.
Xavier Bertrand, (Hauts-de-France), Christelle Morançais (Pays-de-la-Loire), Hervé Morin (Normandie) et Fabrice Pannekouke (Auvergne Rhône-Alpes) ont tous les quatre mis le holà. « La région Auvergne-Rhône-Alpes ne taxera pas davantage ses entreprises » a annoncé ce dernier dans un communiqué du 12 février. « Nos entreprises subissent déjà une pression fiscale considérable » explique-t-il en rejetant une « solution de facilité » selon lui. Même motivation pour Xavier Bertrand qui ne « veut pas mettre les entreprises la tête sous l’eau » a-t-il justifié auprès du Parisien. Hervé Morin qui trouve cela « indécent » préfère renoncer à 70 millions d’euros de recettes annuelles.
Alors que la droite veut soigner son image de camp responsable avant les présidentielles, ce positionnement politique place au niveau régional le débat sur le poids de la fiscalité pesant sur les entreprises. Ils introduisent un clivage gauche droit très net au sein de Régions de France dont la présidente, Carole Delga présidente PS d’Occitanie Carole Delga s’est démenée pour obtenir la création de ce prélèvement brandi comme un trophée. Pour l’instant PACA et Grand Est également à droite ne se sont pas prononcés tandis que les patrons des régions de gauche comptent bien sauf surprise en tirer parti.
Autre effet plutôt ironique, le ministre des Transports LR Philippe Tabarot qui pouvait espérer la gratitude d’élus locaux de son camp se trouve pris à contrepied. « Je suis très fier – le combat a été rude – d’avoir réussi à le faire voter au Sénat de façon transpartisane » se félicitait-il encore devant les députés le 5 février. Mais il n’avait pas mesuré que le ras-le-bol fiscal pouvait être relayé par des élus de terrain pourtant bénéficiaires d’un produit fiscal étendu.
Cet épisode pose également la question de la représentativité du Gart, groupement d’élus chargée des transports présidée par le maire LR de Cagnes Louis Négre et qui revendiquait d’avoir constitué « un front commun autour du versement mobilité ». Infatigable militant de l’extension du domaine du versement mobilité, le club auquel appartenait Philippe Tabarot se voit renvoyé à une logique de groupe de pression catégoriel.
Décidemment cette nouvelle taxe est loin de faire consensus. Elle a également semé la discorde entre élus des champs et élus des villes et des banlieues pourtant du même parti. Fin janvier, France Urbaine, présidée par Johanna Rolland (PS) et Intercommunalités de France présidé par Sébastien Martin (PS) n’ont-elles pas tenté de convaincre le Premier ministre François Bayrou des « graves conséquences qu’aurait la création d’un versement mobilité régional sur leurs politiques de mobilités » ? Pour eux, il n’était pas question de partager avec les régions « la seule ressource dont elles disposent pour financer leurs actions de développement des transports publics ». Même s’il y a beaucoup de posture , les lignes sont peut-être en train de bouger.
Marc Fressoz