Mobily-Cités : Les premières mises en service du nouveau réseau sont annoncées dans moins d’un an. Pouvons-nous prendre rendez-vous ?
Jean-François Monteils : Oui absolument, nous prévoyons la mise en service du premier tronçon de la ligne 18 en octobre 2026, dans moins d’un an. Plus qu’une affirmation, c’est un engagement. En effet, nous devons aviser Île-de-France Mobilités un an avant la mise en service, c’est fait pour la ligne 18. Le transfert en gestion de l’infrastructure à Ile-de-France Mobilités (IDFM) interviendra 2 mois avant, ce sera pour fin juillet, début août. Aujourd’hui, nous travaillons au quotidien avec les opérateurs d’IDFM pour leur permettre d’appréhender les fonctionnalités de l’équipement.
Mobily-Cités : Et pour la ligne 15 Sud ?
Jean-François Monteils : Nous avons fixé une date butoir pour avril 2027, sachant que l’ampleur n’est pas la même que sur la 18, ne serait-ce que par le nombre de gares (de 4 pour la 18 à 16 pour la 15 Sud). Deux sujets majeurs nous mobilisent aujourd’hui : l’installation et la connexion des systèmes en gare d’une part, et les essais des automatismes de transport d’autre part.
Pour les systèmes en gare, il faut vérifier un par un tous les équipements des lignes et des gares, les caméras, les escalators etc…, et s’assurer qu’ils sont correctement reliés au centre de commandement centralisé de la ligne, que le système fonctionne comme attendu.
L’autre sujet, ce sont les automatismes de transport. Pour les lignes 15, 16 et 17, nous utilisons un système unique et original développé par Siemens-Hitachi. Il faut tout tester. Pour la 18, c’est différent, nous avons adopté le système d’Alstom, déjà utilisé par ailleurs, mais dont nous connaissons les complexités de déploiement.
Une autre difficulté vient des différentes autorisations et homologations nécessaires à l’engagement des essais, à la mise en service, etc. Sur ces aspects, on ne maîtrise pas toujours le calendrier. Leur instruction, qui devrait théoriquement prendre
une ou deux journées, peut finalement demander un mois. Il faut pouvoir anticiper les choses, et que chacun prenne ses responsabilités sans mettre les délais de réalisation du projet en danger.
Mobily-Cités : Les deux premiers tronçons de la ligne 18 seront prêts à quelques mois d’écart. Allez-vous attendre pour tout mettre en service en même temps ?
Jean-François Monteils : A la SGP, nous pensons qu’il faut ouvrir dès que les infrastructures sont prêtes. Sur la ligne 18 par exemple, certains nous ont suggéré de décaler d’une année l’ouverture du premier tronçon, pour attendre la desserte d’Orly. Ce n’est pas notre scénario, même si, techniquement, c’est plus compliqué de prolonger une ligne existante, en exploitation, que de mettre en service une infrastructure totalement nouvelle. D’abord, parce que ces infrastructures sont attendues des habitants. Ensuite, parce que cela nous permet d’accumuler du retour d’expérience : les difficultés que nous rencontrons nous permettent d’anticiper déjà pour les prochaines mises en service, la mise en service de la ligne 18 nous servira pour la ligne 15 sud, etc.
Mobily-Cités : Quelles sont vos relations avec vos partenaires ?
Jean-François Monteils : Nous sommes liés avec eux par une sorte de communauté de destin. Qu’il s’agisse d’IDFM ou du gestionnaire d’infrastructure RATP GI ou encore des exploitants Keolis et RATP Dev, tous sont totalement investis pour notre objectif commun. Nous avons tous un contrat à respecter. A partir de l’ouverture de la ligne 18 en octobre 2026, les mises en service vont se succéder quasiment tous les six mois. Après la 18, il y aura la 15 Sud, puis le deuxième tronçon de la 18 vers Orly. La mise en service des lignes 16 et 17 interviendra avec un décalage par rapport à la 15 Sud, de 6 à 12 mois, pour des raisons purement techniques. Le système de pilotage automatique Siemens – Hitachi va commencer à fonctionner sur la 15 Sud au premier trimestre 2027. Il doit ensuite être transposé au périmètre géographique des lignes 16-17. Cela demande un délai assez long. C’est ce délai que l’on essaie aujourd’hui de réduire de 12 à 9, voire 6 mois dans le meilleur des cas. C’est ce qui nous conduit à une plage de mise en service entre le 2e semestre 2027 pour les 16-17 si tout va bien, ou tout début 2028 en cas de difficultés.
Mobily-Cités : Ce réseau va-t-il grandir après 2031 ? On parle d’une ligne 18 à l’est d’Orly ou d’une ligne 19 ?
Jean-François Monteils : Cela dépend des autorités politiques. Madame la présidente de Région, Valérie Pécresse, a lancé un important travail d’évaluation de tous les prolongements susceptibles d’être faits, sur toutes les lignes de métro, historiques et GPE, auquel nous serons associés pour la partie de prolongement des lignes du Grand Paris Express, au titre des données dont nous disposons. Je ne pense pas trahir de secret en vous disant que le prolongement de la ligne 18 au nord de Versailles vers Nanterre dispose d’un statut particulier puisqu’il est dans le schéma d’ensemble de 2011 adopté par décret. Pour la ligne 18 Est ou la ligne 19, nous en sommes encore à des phases plus amont.
Mobily-Cités : Pensez-vous que vous puissiez en avoir la maîtrise d’ouvrage ?
Jean-François Monteils : De nombreux acteurs avec qui nous en parlons estiment qu’il serait naturel que la Société des grands projets assume la maîtrise d’ouvrage des prolongements des lignes du GPE, s’ils étaient décidés. D’abord parce que nous avons fait la démonstration de nos capacités, et ensuite parce que nous connaissons ce métro, c’est nous qui l’avons fabriqué. Si c’était quelqu’un d’autre, il faudrait que nous lui transférions énormément de connaissances, cela prendrait du temps et il y aurait des problèmes d’interfaces. Il y a très probablement des perspectives et une vocation pour la Société des grands projets à continuer d’intervenir, dès lors que l’Etat et les collectivités le souhaitent dans un cadre institutionnel à faire évoluer.
Mobily-Cités : Y compris sur le métro historique ?
Jean-François Monteils : Ça ne dépend pas de nous. Ce sera un choix politique. Nous sommes disponibles et nous avons une claire conscience de ce que l’on sait faire.
Où en sommes-nous sur les SERM ? La SGP à l’horizon 2035 sera-t-elle devenue un nouveau Systra ?
Jean-François Monteils : Absolument pas. Nous sommes sûrs que le modèle n’est pas de faire de la SGP un bureau d’études supplémentaire. Nous ne sommes pas un maître d’œuvre. Nous avons vocation à exercer des missions de maitrise d‘ouvrage pour le compte de l’Etat et des collectivités dans un cadre institutionnel et juridique de poursuite de l’intérêt collectif. La SGP n’a pas vocation à être mue par une recherche de profits mais à exercer une compétence dans la poursuite de l’intérêt général. La SGP n’a pas, par exemple, à être mise en concurrence avec des bureaux d’études pour faire ce qu’elle a à faire. Le Président de la République et les différents Premiers ministres depuis 2022 l’ont indiqué : l’Etat souhaite que la France développe un grand programme d’équipements en transports publics de mobilité longue du quotidien, parce que c’est un enjeu national, social, de transition écologique, d’aménagement du territoire, de développement économique… La Société des grands projets a accumulé une sorte de bien public : son expertise, son expérience, sa capacité à résoudre des problèmes, qu’elle doit mettre au service des territoires dans le cadre de cette politique publique pilotée par le ministre des Transports, qui a fait de nous une forme de « bras armé » de l’Etat sur les SERM.
Mobily-Cités : Et sur les autres différents projets ?
Jean-François Monteils : Nous avons démarré de façon significative sur 16 SERM, à la demande des collectivités territoriales et avec l’accord du ministre des Transports. Nous travaillons depuis plus de deux ans, depuis la loi de 2023, à la préfiguration de ces projets, de leur schéma d’ensemble à leur plan de financement en passant par leur gouvernance. Nous accompagnons les collectivités pour produire le dossier de « statut de SERM ». Nous pouvons dire clairement à quoi ressemblent les projets de SERM de Toulouse, Rouen, Grenoble etc… Ce sont des tracés, des fréquences, des origine-destination, des gares nouvelles, des équipements nouveaux… dans une perspective multimodale. Dans les prochains mois, les 16 dossiers seront tous déposés. Nous avons apporté une expertise qui a changé la donne. C’est un constat objectif. Il reste encore beaucoup à faire, mais l’expérience du GPE nous montre que nous savons le faire et que cela va fonctionner.
Propos recueillis par Philippe-Enrico Attal




