Guy-KAUFFMANN
Guy Kauffman
Directeur général, président du directoire de la société du GPSO

« Le GPSO va créer des capacités pour d’autres trains »

Avec le Grand Projet du Sud-Ouest (GPSO), Bordeaux ne sera plus qu’à 1h05 de train de Toulouse et de Dax. 14 Md€ nécessaires au financement de ces lignes à grande vitesse, dont une partie sera apportée par la fiscalité locale. Afin de gérer l’ingénierie financière, la société du GPSO a été créée. Entretien avec son directeur général et président du directoire, Guy Kauffman.

Propos recueillis par Charline Poullain

Mobily-Cités : Le projet de ligne à grande vitesse du Sud-Ouest a franchi une étape déterminante en 2022, avec la mise en place de la société que vous dirigez. Quelles sont ses caractéristiques ?

Guy Kauffman : Le 18 février 2022 a eu lieu la signature du plan de financement à 14 Md€. C’est ce qui fonde la société. Elle a été créée par ordonnance du président de la République du 2 mars 2022. Et à partir du décret du 24 avril, la société de projet existe sur le papier. Nous sommes en train de la rendre opérationnelle.

Cet établissement public local est le regroupement des signataires du plan de financement du côté des collectivités locales. Elles sont au nombre de 24, et 25 demain, puisque nous sommes en train d’intégrer Dax. Le conseil de surveillance a été installé en juillet 2022 par le préfet de la Région Occitanie qui, par les textes, est le préfet coordonnateur [N.D.L.R. : Étienne Guyot à l’époque, auquel a succédé Pierre-André Durand en janvier dernier]. Lors de leur réunion d’installation, les 24 signataires du plan de financement ont élu comme présidente Carole Delga, présidente de la Région Occitanie.

Sa mission est justement de financer l’opération, de regrouper un certain nombre de ressources pour tenir les engagements du plan de financement pour les collectivités locales. Nous gérons 40 % du financement global, c’est-à-dire 5,6Md. Il faut transformer les contributions financières et fiscales et régulières en un versement à SNCF Réseau et SNCF Gares & Connexions, qui sont les maîtres-d’ouvrage de l’opération.

Quel est le modèle financier ?

Le dispositif fiscal est à trois étages et sera complètement opérationnel l’an prochain. Il y a eu deux votes successifs en loi de finance 2022 et 2023, et le législateur a prévu la mise en œuvre de la fiscalité avec un décalage d’un an. Une taxe spéciale d’équipement sera perçue cette année à hauteur de 24 M€. L’an prochain, l’ensemble du dispositif fiscal sera complété par une taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises (la taxe spéciale complémentaire) et par un relèvement de la taxe de séjour. Donc en 2024, il y aura trois taxes et une ressource évaluée à 62 M€ : 29,5 M€ de TSE, 21,5 M€ de taxe additionnelle à la CFE et 11 M€ de taxe de séjour.

Qu’est-ce que la taxe spéciale d’équipement, à laquelle les collectivités auront recours ?

Il s’agit d’une taxe additionnelle et de répartition sur les impôts locaux, c’est-à-dire qu’elle va être perçue en même temps que les impôts locaux. En fonction des sommes prévisionnelles, on y ajoute la somme recherchée, soit 24 M€ cette année, et on la répartit proportionnellement sur les montants perçus sur les quatre taxes locales (taxe d’habitation, les taxes foncières bâtie et non bâtie, et la cotisation foncière des entreprises). Elle est pour l’essentiel constituée par la taxe foncière bâtie et la cotisation foncière des entreprises.

Les deux taxes que sont la TSE (taxe spéciale d’équipement) et CFE additionnelle concernent les habitants des communes située à moins d’une heure en voiture d’une gare. Soit les trois gares nouvelles que sont Agen, Montauban et Mont-de-Marsan, plus Bordeaux et Toulouse.

Cette taxe est novatrice ?

Oui, c’est un mécanisme nouveau en France. Le législateur s’est inspiré de ce qui existe ailleurs dans le monde, pour aller chercher dans la valeur ajoutée dégagée par le projet une partie de son financement. La Société du Grand Paris, qui est notre grand ancêtre à tous, fonctionne de façon similaire, ainsi que les sociétés de projets mises en place sur les LGV, sur les lignes Nîmes-Montpellier-Perpignan et Provence-Côte d’Azur. Chacune a son montage fiscal propre, mais c’est la même logique, soit des taxes affectées à l’établissement de financement. C’est prévu par la Loi d’orientation des mobilités.

Étant donnés les surcoûts sur tous les chantiers actuellement, les collectivités (et les contribuables) s’engagent-elles dans l’inconnu ?

Dans le plan signé en 2022, les sommes se calculent à partir de l’évaluation technique du coût, qui est datée. Il y avait des hypothèques économiques qui méritent d’être révisées du fait de la bulle inflationniste dans laquelle on se trouve encore. Les 14 Md€ reposent sur une hypothèse économique et une évaluation technique du projet qui datent d’avant cette bulle. Les financeurs le savent.

En quoi ces lignes vont-elles permettre de renforcer les réseaux locaux ?

En ajoutant des voies à l’entrée et à la sortie de Bordeaux et de Toulouse, on redonne de la capacité : on spécialise une voie pour le TGV et on crée de la capacité pour d’autres types de train : TER, RER métropolitain, Intercité ou fret. Les 12 km d’aménagements ferroviaires au sud de Bordeaux visent à faire passer de deux à trois voies. Et sur 17 km au nord de Toulouse, on passera de deux à quatre voies.

Pour les villes qui accueilleront de nouvelles gares, les temps de trajet sont de l’ordre du RER : Agen sera à 30 min de Bordeaux, et presque autant de Toulouse.

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