« La qualité de l’intermodalité est déterminante pour faire adopter le transport public »
Rééquilibrer l’offre de transports tout en décarbonant les mobilités en grande couronne, redynamiser le mode routier en l’articulant au réseau structurant, soutenir les modes doux et actifs pour les déplacements de proximité… avec sa dimension environnementale, le tout nouveau schéma directeur d’Ile-de-France (SDRIFe) vise à améliorer les mobilités sur l’ensemble du territoire. Maire de Palaiseau et président de Paris-Saclay, Grégoire de Lasteyrie conjugue au quotidien les différentes échelles de déplacement et de développement régional.
Mobily-Cités : Le SDRIFe adopté en juillet dernier poursuit le rééquilibrage de la dynamique régionale. Comment cette orientation se traduit-elle dans le développement des transports ?
Grégoire de Lasteyrie : Pendant des années, la question des mobilités était centrée sur Paris, avec la construction d’un réseau en étoile et une vision calquée sur le mass-transit. Le système de transport public a été pensé pour acheminer les salariés vers les principaux pôles d’emploi, qui se situaient schématiquement au centre de Paris et à La Défense. Dès 2015, nous avons cherché, avec Valérie Pécresse, à opérer un rééquilibrage de l’offre de transports vers la grande et la petite couronnes. Le réseau francilien est aujourd’hui le 4e plus étendu et le 2e plus dense. En 2040, avec la mise en service de plus de 700 km de lignes nouvelles, dont 200 pour le seul Grand Paris Express, il sera devenu le 2e plus étendu derrière celui de Tokyo. Il faut bien garder à l’esprit que l’Ile-de-France doit répondre à des enjeux de déplacements hors-normes : 42 millions de déplacements quotidiens y sont effectués, tous modes confondus, et la région représente 80% du trafic ferroviaire national en nombre de passagers.
Quel est le rôle particulier du Grand Paris Express dans cette conception de l’offre ?
Le GPE est la première infrastructure structurante conçue pour améliorer les liaisons transversales. Il comporte 68 nouvelles gares, dont 38 en interconnexion avec le réseau existant. A terme, 90% des Franciliens seront à moins de 2 km d’une gare ou d’une station. Pour garantir l’attractivité du réseau, nous devons travailler sur les rabattements, et faire des gares du GPE de véritables hubs intermodaux desservis par des lignes de bus, de tram, mais aussi du covoiturage, du vélo et du transport à la demande. Sans oublier bien sur la marche à pied, qui reste le 1er mode d’accès au réseau structurant dans notre région. La qualité de l’intermodalité est déterminante pour faire adopter le transport public à nos concitoyens. Au moindre grain de sable dans l’enchaînement de ses déplacements quotidiens, un habitant de la grande couronne reprendra beaucoup plus facilement sa voiture qu’un Parisien. Le SDRIFe et le PDUi reflètent cette prise en compte des attentes de la grande couronne. Nous avons par exemple acté le principe du prolongement à l’ouest de la ligne 18 et celui d’une ligne 19 entre Nanterre-La-Folie et Gonesse.
Le SDRIFe acte également le retour en grâce du mode routier…
Nous avons en effet mis l’accent sur l’optimisation de l’usage du mode routier, à la fois indispensable pour desservir les territoires de grande couronne, et qui présente un fort potentiel de décarbonation. Nous y parviendrons par exemple en augmentant le remplissage des voitures grâce au covoiturage, ou en développant le réseau de cars express. Nous facilitons aussi l’utilisation des parkings-relais, accessibles gratuitement pour les abonnés Navigo, qui ont également droit à deux trajets en covoiturage par jour. Enfin, nous développons les stationnements sécurisés pour les vélos à proximité des gares.
Le potentiel de l’intermodalité repose sur l’attractivité du rail. C’est par exemple le cas sur le plateau de Saclay, dont vous êtes élu ?
En effet, il est évident que la desserte en mode lourd par le Grand Paris Express est essentielle. Nous sommes en train de créer à Saclay le 1er pôle européen de recherche et d’innovation. C’est pourquoi je me bats depuis 10 ans pour que le métro y arrive en temps et en heure.
« La desserte en mode lourd du pôle de Paris-Saclay par le Grand Paris Express est essentielle »
Nous devons aussi mettre en place une offre locale efficace. C’est pourquoi nous avons développé un réseau de navettes de proximité sur le périmètre de l’agglomération Paris-Saclay, en articulation avec le réseau de transports publics d’Ile-de-France Mobilités. Co-financées par l’agglo et les communes, ces navettes répondent à une demande très locale, avec une logique flexible et quasiment sur-mesure.
Le transport de marchandises constitue également un sujet majeur en Ile-de-France. Quels sont les objectifs du SDRIFe ?
Du fait de son poids démographique et de son importance économique, l’Ile-de-France est la première région française pour les trafics générés, avec 26% des tonnages nationaux en réception et 18% en envoi. Chaque année, 210 à 230 millions de tonnes de marchandises et matériaux y sont transportées, dont plus de la moitié correspondent à des flux internes à la région.
Le SDRIFe fixe des objectifs très ambitieux au secteur de la logistique, avec une réduction des flux routiers, alors qu’il est avéré que les transports de marchandises devraient augmenter d’ici à 2030. Nous misons pour cela sur l’optimisation croissante des transports, ainsi que sur un transfert vers les modes ferroviaire et fluvial. Nous incitons également les professionnels à prendre leur part dans la conversion des flottes, notamment pour les livraisons urbaines, ainsi qu’à recourir davantage à la cyclo-logistique, dans les cas d’usage où elle est pertinente.