Frederic-Lahitte
Frédéric Lahitte
Directeur Grands comptes pour l’Europe et responsable de l’activité commerciale des véhicules d’occasion d’Iveco Bus

«Les véhicules d’occasion, une opportunité en attendant les arbitrages sur la transition énergétique»

Paradoxalement, les incertitudes liées aux choix technologiques bas carbone et le niveau des investissements nécessaires alimentent la demande en véhicules d’occasion. Résultat: le marché des VO, qui représente environ la moitié de celui du neuf, a retrouvé sa dynamique depuis la sortie de la crise sanitaire. Frédéric Lahitte, responsable VO au sein d’Iveco Bus, fait le point pour Mobily-Cités.

Propos recueillis par Florence Guernalec 

Mobily-Cités: Quels sont les enjeux sur les véhicules d’occasion électriques ?

Frédéric Lahitte : Pour les constructeurs qui disposent de parc de véhicules d’occasion, le challenge actuel de la transition zero émission, c’est de bien déterminer la valeur de reprise des véhicules électriques vendus avec buy-back. En effet, estimer la valeur résiduelle d’un véhicule équipé de batteries de 6 ou 8 huit ans s’avère un exercice complexe car cela suppose à la fois de pouvoir se projeter sur l’état de performance résiduelle de la batterie, ce que nous sommes en mesure de maitriser, mais également d’estimer un coût futur du KWh à cet horizon, ce qui est beaucoup plus délicat.

 

Quelle est la taille du marché des bus et cars doccasion en France ?

Il n’existe pas de chiffres officiels car ces véhicules ne sont pas soumis à une ré-immatriculation. Néanmoins, nous estimons, à partir de notre propre activité, que ce marché représente 600 à 800 véhicules vendus par an en France: pour donner un ordre de comparaison, c’est environ la moitié des immatriculations de véhicules neufs urbains. A une échelle européenne, ce sont environ 1.100 véhicules vendus par an sur l’ensemble de nos cinq marchés, Allemagne, Bénélux, Espagne, France et Italie.

 

Quelle est l’origine de votre parc ?

Notre stock provient en majorité des retours de buy-back contractualisés au moment de l’achat de véhicules neufs ; les ventes sont conclues avec une proposition de reprise pour une échéance et un kilométrage donnés. Notre parc d’occasion est très majoritairement composé dautocars diesel de 6 à 12 ans. Les autobus urbains sont aussi présents, mais moins représentés car ils sont majoritairement conservés par les collectivités jusqu’à leur réforme.

 

Qui sont les acheteurs de ces véhicules ?

Nous revendons en priorité ces cars sur le marché local. En France, nous avons traditionnellement des demandes qui émanent d’opérateurs privés. Les véhicules d’occasion peuvent être une stratégie gagnante dans certains appels d’offres, car ils permettent d’améliorer la compétitivité économique de l’offre, ainsi que le délai de mise en opération. Au-delà de la France, nous proposons ces véhicules sur nos autres marchés européens. Pour les véhicules plus anciens, nos débouchés sont lEurope de lEst via des traders. L’Afrique est aussi une destination possible pour nos véhicules d’occasion.

 

Est-ce que la demande sur le marché local a changé ?

Nous avons eu une forte demande pour des autocars de tourisme, liée à la reprise de l’activité à des niveaux comparables à lavant Covid. Depuis 2023, nous avons également vu une augmentation des demandes d’autocars interurbains. Cette hausse s’explique par deux raisons à mon sens: la première est le choix du prix, comme évoqué précédemment, qui permet de rationnaliser le parc pour avoir une offre économiquement pertinente. La deuxième, plus subtile, est probablement liée aux incertitudes résiduelles sur la trajectoire de la transition énergétique. Il est encore parfois complexe de se positionner formellement sur un choix d’énergie, alors que les arbitrages européens et nationaux sont encore à venir. Pour les opérateurs, il est donc parfois urgent d’attendre. Là aussi, le VO est une solution provisoire opportune.

Dans ce contexte, comment a évolué votre stock ?

Il a baissé de 70% en France en 2023 par rapport à l’année dernière et de 68% en Europe. C’est un record historique.

 

La filière du rétrofit peut-elle également être une solution d’attente pour les transporteurs ?

Nous considérons que cette filière a toute sa place dans la décarbonation du parc roulant. Nous estimons notamment que la mise en place progressive des ZFE va favoriser le recours au rétrofit. Nous avons d’ailleurs été sollicités à partir des années 2020-2021 pour transformer nos autocars interurbains et scolaires diesel. Nous avons choisi de collaborer avec plusieurs acteurs qui portaient des projets solides, couvrant les différentes énergies alternatives. Cette collaboration leur permet de transformer des véhicules de notre marque sous leur propre responsabilité. Nous avons ainsi vendu deux premiers véhicules en 2022 pour être rétrofités, et 30 en 2023. Cette solution est en train de monter en puissance.

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