François Durovray
François Durovray
Président du conseil départemental de l’Essonne

« 30 à 40 lignes de cars express pour connecter la grande couronne au GPE »

 

Le passe Navigo est deux fois moins utilisé en grande couronne que dans la zone dense. La mise en service du Grand Paris Express, ajoutée à l’instauration de la ZFE dans le périmètre de l’A86, risque de créer une nouvelle frontière et d’exclure des transports en commun ceux qui sont les plus dépendants de la voiture. Pour le président du Conseil départemental de l’Essonne, la solution passe par une optimisation des modes routiers. 

Propos recueillis par Sandrine Garnier 

 

Mobily-Cités : Vous êtes partisan du lancement d’un réseau de cars express en grand couronne, en complément du Grand Paris Express. Pour quelles raisons ? 

François Durovray : Le Grand Paris Express doit rester une opportunité pour l’ensemble des Franciliens. Pour cela, il faut veiller à éviter l’émergence d’une frontière entre ceux qui y auront accès et les autres. Ce risque est aggravé par la concomitance avec l’entrée en vigueur de la Zone à faible émission, qui va pénaliser davantage les ménages qui n’ont pas de solution alternative à la voiture pour leurs déplacements. C’est pourquoi je suis partisan de la création de lignes de cars express reliant la grande couronne en empruntant les principaux grands axes routiers comme la N118 ou la RN4. Avec 30 à 40 lignes qui partiraient des franges de l’Ile-de-France pour connecter les modes lourds, cette solution permettrait de réduire les temps de trajet et les coûts de transports. Sans quoi, la mise en service du GPE va se traduire par un accroissement des inégalités dans l’accès aux transports, avec des conséquences sur le pouvoir d’achat. Il est bien évident qu’un habitant de grande couronne ne peut pas se déplacer pour 75 euros par mois comme le fait un habitant de la zone dense avec son passe Navigo, remboursé à 50% par l’employeur dans le cas des salariés. Ce n’est pas un hasard si le passe Navigo est deux fois moins utilisé en grande couronne. C’est bien parce que l’offre de transports ne répond pas aux besoins. 

Une baisse du prix du passe Navigo pourrait-elle attirer davantage d’habitants de grande couronne dans les transports en commun ? 

Même si je suis à l’origine du ticket à 4 euros maximum pour les titres de transports vendus à l’unité en Ile-de-France, je suis persuadé que le sujet principal reste l’offre, et non pas le prix. Dans notre région, l’usager ne paie que 30% en moyenne du coût du trajet, et il faut que ce pourcentage soit maintenu. 

Comment expliquer que ces lignes de cars express, relativement peu couteuses à mettre en place, ne se soient pas développées plus rapidement ?

Le vrai problème du réseau routier national est lié à la situation de l’Etat, devenu impécunieux, alors que les départements n’ont aucune ressource leur permettant de faire face aux dépenses d’entretien et de modernisation. Rien n’a été prévu après la décision calamiteuse de l’abandon de l’écotaxe, dont une partie des recettes aurait dû revenir à l’échelon départemental. Les seuls gagnants de l’abandon de l’écotaxe sont en fait les routiers étrangers, qui utilisent notre réseau sans rien payer, alors que les transporteurs français s’acquittent de la TICPE.  

Mettre en place des lignes de cars express se heurte aussi aux contraintes techniques existant dans notre pays. Les difficultés rencontrées soulignent l’exaspération des procédures. Il a fallu des années pour parvenir à créer la ligne Dourdan-Massy, il y a 15 ans, avec le pole d’échanges de Briis-sous-Forges, sur l’A10. La souplesse du mode routier a permis de faire évoluer l’offre au fur et à mesure de son succès, en aménageant en 2016 une voie dédiée entre Les Ulis et Massy.  

Le covoiturage constitue une autre piste d’optimisation du mode routier. Quelle est votre position sur le sujet ? 

Le département de l’Essonne s’est engagé très tôt dans le soutien au covoiturage quotidien, en subventionnant les trajets dès 2017. Le dispositif a d’ailleurs été adapté et généralisé à l’ensemble de la Région depuis. Aujourd’hui, l’enjeu est de le massifier en créant de véritables lignes, avec une garantie de retour pour les passagers. 

Quel est le rôle du département dans le développement des modes doux et actifs, en particulier du vélo ?

Le vélo électrique a permis une avancée considérable pour le développement des modes actifs, car il facilite les trajets sur des itinéraires plus longs ou plus forts en dénivelés, comme c’est le cas en Essonne. Il nous revient de participer à l’entretien du réseau de voies cyclables et de le développer. Pour cela, nous devons parfois résoudre des problèmes techniques, notamment dans le cas des franchissements de voies routières très fréquentées, afin d’assurer la sécurité des cyclistes. Ces chantiers sont onéreux et prennent du temps. 

Le secteur aérien a été durement touché par la crise sanitaire. La reprise s’amorce, mais le modèle de développement d’Orly pourrait-il être remis en question ? 

Même si certains ont pu ou voulu y croire, le scénario d’une réduction durable des besoins de mobilité ne me paraît pas envisageable. Le transport aérien repart. Il faudra sans doute encore du temps pour que l’activité retrouve son niveau d’avant-crise, et peut-être ne sera-t-elle plus exactement la même, mais elle va reprendre. L’arrêt des vols a renforcé la prise de conscience des nuisances sonores liées au secteur aérien. Aujourd’hui, plus que jamais, il est indispensable de renforcer la lutte contre cet inconfort et de préserver la qualité de vie des riverains et des populations impactées par les survols. 

Nous avons la chance de disposer de réserves foncières autour d’Orly, et nous devons nous interroger sur les orientations du développement économique futur, qui ne doit pas être 100% aérien. La future ligne 18 du GPE, qui permettra de faire le lien entre le plateau de Saclay et Orly, pourrait d’ailleurs concrétiser une dynamique entre le pole de recherche et les industries du futur. Nous y travaillons avec ADP, de manière à irriguer l’ensemble du territoire. Orly représente un pole économique essentiel au Sud francilien, qui attire des salariés depuis l’ensemble de la Région, particulièrement en Val-de-Marne et en Seine-et-Marne. Avant la crise, nous avions commencé à réfléchir tous ensemble dans le cadre des Assises d’Orly, en associant les départements du Val-de-Marne et de l’Essonne, la Région Ile-de-France, l’Etat, les entreprises présentes… en matière de mobilité, les choses vont s’améliorer avec les lignes 14 et 18, le prolongement du T7. Mais il faudrait mettre en place du transport à la demande pour répondre aux besoins des personnes qui travaillent en horaires décalés, sur le modèle de Fileo, qui dessert la plateforme de Roissy. Il faut aussi traiter l’axe Corbeil-Orly, par la nationale 7. 

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