Bastien-Soyez
Bastien Soyez
Directeur de la RSE chez Transdev France

« Décarboner les mobilités, c’est être à la pointe de la transition et de la sobriété énergétiques, et acteur du report modal » 

En charge de la démarche de responsabilité sociale des entreprises (RSE) chez Transdev France, Bastien Soyez détaille la stratégie de l’opérateur en matière de décarbonation. Une action qui passe par trois grands sujets : la transition énergétique, la sobriété et le report modal.

Propos recueillis par Camille Valentin

Mobily-Cités : Vous êtes directeur de la RSE chez Transdev France. Où se situe le sujet de la décarbonation pour vous ? 

Bastien Soyez : Notre stratégie RSE repose sur six grands engagements, sociaux et environnementaux, parmi lesquels se trouve la lutte contre le dérèglement climatique. La décarbonation de nos activités est au cœur de cet engagement pour le climat. Nous y accordons l’attention de tous les niveaux de l’entreprise : des opérationnels à la représentation de la RSE au sein de notre comité de direction. Chez Transdev, la décarbonation est traitée dans trois grands sujets : la transition énergétique, la sobriété, et le report modal. 

Comment abordez-vous la transition énergétique ? 

Au sein de notre activité, ce sont les émissions issues de l’utilisation des bus et cars qui sont les plus importantes en volume. Tout ce qui concerne les véhicules et leur écosystème est donc suivi de près. Transdev a d’ailleurs constitué une équipe, la ZE Team, dédiée à la transition des bus et cars conventionnels vers des bus et cars zéro émission, ainsi que leurs infrastructures de charge. Cette équipe a été mise sur pieds dès le lancement par Transdev de flottes massives de bus & cars zéro émission. Nous avons lancé une première flotte d’ampleur aux Pays-Bas en 2016, rapidement suivie par une nouvelle flotte de 100 véhicules, la plus importante d’Europe à l’époque ! Depuis, nous avons construit l’un des plus grands dépôts de bus électriques au monde à Bogotá, avec plus 400 véhicules, que nous exploitons depuis 2022. Grâce à ces pays et villes précurseurs, Transdev peut capitaliser sur ses expériences internationales et accompagner tous nos clients dans leurs différents projets de transition énergétique. 

 

A quel rythme évolue le marché des véhicules zéro émission ? 

En tendance, nous avons un doublement de la flotte électrique tous les deux ans. Cette progression est soutenue par la maturité de la filière et par la règlementation, mais pas seulement ! Certains de nos clients se sont lancés dans la transition car ils sont convaincus, et non par obligation. C’est notamment le cas des Régions Sud et Centre-Val de Loire, où nous opérons des autocars électriques, ou pour les bus du réseau STAR de l’agglomération Roannaise qui seront entièrement électriques dans 2 ans. Ce ne sont que des exemples, d’autres AOM devancent la règlementation et se servent de la décarbonation des mobilités pour leur projet de territoire et pour aider à la réalisation de leur Plan Climat et énergie territorial (PCAET). 

 

N’y a-t-il pas de problèmes d’autonomie avec le matériel roulant électrique, notamment les autocars ? 

Non. Les véhicules disponibles sur le marché peuvent faire à peu près tous les types de service, d’ailleurs nos cars électriques parcourent en moyenne deux fois plus de kilomètres par an que nos cars conventionnels. Il y a une exception pour les autocars « rétrofités » où nous utilisons des batteries plus petites, et qui se destinent principalement à des services scolaires. 

 

Que pouvez-vous apporter à vos clients ?  

Transdev a une approche globale et une expertise de pointe dans les domaines de la transition énergétique, permettant d’accompagner les AOM quel que soit leur projet de transition énergétique.

Nous orientons nos clients vers un renouvellement de véhicules peu carbonés, en fonction de leurs ressources et de l’écosystème local. Par exemple, la présence d’une unité de méthanisation à proximité du dépôt peut orienter vers une proposition de parc de véhicules fonctionnant au BioGNV plutôt qu’un parc de véhicules électriques, pour favoriser les circuits courts. C’est le cas sur le réseau Soléa à Mulhouse. A terme, l’ensemble du parc urbain devra être électrifié et le BioGNV devrait être mobilisé pour d’autres applications que le transport de personnes, mais le BioGNV, ainsi que les biocarburants (HVO ou B100), qui nécessitent peu d’investissements, restent une alternative crédible aujourd’hui pour décarboner rapidement les flottes de véhicules. 

Nous sommes également à la pointe sur le rétrofit, une opération qui consiste à remplacer les organes mécaniques d’un bus diesel par un moteur électrique et des batteries. Nous avons fait homologuer l’an dernier le premier rétrofit en Europe d’un autocar diesel vers électrique pour la région Centre-Val de Loire, qui a commandé 20 véhicules supplémentaires. Il y a quelques semaines, nous avons fait homologuer le premier rétrofit mondial diesel vers hydrogène en région Normandie. L’obtention particulièrement difficile de ces homologations ont permis de faire progresser l’ensemble de la filière. 

En matière de financement, nous sommes également à l’origine d’une fiche d’opération standardisée qui mobilise le mécanisme des Certificats d’Economie d’Energie (CEE), qui permet à toutes les AOM de bénéficier d’une prime pour l’achat ou le rétrofit de véhicules électriques.  

Au-delà de la transition énergétique des flottes, vous citez la sobriété et le report modal comme levier de décarbonation, qu’en est-il ?  

Nous avons équipé les deux tiers de nos autocars de boîtiers d’éco-conduite et déployons un programme ambitieux de formation de nos conducteurs et de nos voyageurs.  Ce programme va générer des baisses importantes de consommation et des émissions de gaz à effet de serre associées. 

En ce qui concerne le report modal, nous avons à la fois la responsabilité d’assurer une bonne qualité de service pour convaincre les voyageurs de rester, et de proposer des solutions de transports publics efficace et compétitives par rapport à la voiture pour inciter de nouveaux voyageurs à venir. Nous pensons qu’au-delà des réseaux urbains, il faut renforcer drastiquement l’offre des transports du quotidien des périphéries, au moyen de lignes express qui permettent d’offrir un temps de parcours compétitif pour les usagers. Pour ces trajets, qui ont des portées de 10 à 50 kilomètres, – soit entre 20 à 100 kilomètres aller-retour – le potentiel de décarbonation est considérable, à un coût inférieur à celui de la voiture et très nettement inférieur à celui du train, puisque l’infrastructure existe déjà : la route. 

 

Au-delà de ces expertises que vous déployez, n’avez-vous pas un rôle à jouer pour éveiller les consciences à la décarbonation des transports ? 

La sensibilisation est clé pour transformer les pratiques : si les impacts négatifs qu’engendrent les pratiques actuelles de mobilités ne sont pas connus, pourquoi changer ? C’est pour cela que nous nous sommes investis dans un partenariat avec les Shifters, pour le déploiement de la Fresque de la Mobilité. C’est un outil puissant qui sensibilise sur les différents leviers de décarbonation, notamment la sobriété, le report modal et la transition énergétique. Grâce à ce partenariat, nous avons formés plus de 30 animateurs en interne, qui ont eux-mêmes sensibilisé plus de 500 personnes : à la fois nos salariés, des agents de collectivités, des dirigeants et des RH d’autres entreprises et des enfants aux enjeux de la décarbonation des mobilités. C’est une manière d’apporter notre pierre à l’édifice, pour la compréhension globale de ces enjeux et pour favoriser le passage à l’action de toutes et tous.

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