Alain Rousset
Président d'Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes

« Les nouveaux opérateurs vont amener la SNCF à repenser son organisation »

Alors que la Nouvelle Aquitaine pourrait servir de terrain de jeu à deux start-up du rail, Le Train et RailCoop, Alain Rousset dévoile sa perception des potentiels concurrents de la SNCF. Pour le président de la Région Nouvelle-Aquitaine, ces nouveaux opérateurs vont permettre de dynamiser l’offre ferroviaire… et la SNCF elle-même.

Propos recueillis par Marc Fressoz

Mobily-Cités : Pourquoi voyez-vous d’un bon œil l’initiative de Le Train, qui projette de mettre en place des navettes à grande vitesse dans le grand ouest ?

Alain Rousset : D’abord parce que les infrastructures de la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux ont coûté très cher : la Région a investi plus de 300 M€, et son potentiel est loin d’être pleinement utilisé. Il y avait un engagement de la SNCF de mettre en place un service qu’on avait âprement négocié, et la crise sanitaire l’a amenée à baisser l’offre.

La grande vitesse Tours-Bordeaux connait un succès incroyable en termes de fréquentation entre Bordeaux et Paris, également entre Bordeaux et Poitiers. Entre ces deux villes, alors qu’il faut 2h30 en voiture, c’est 1h25 en train, sans embouteillage ! Cette LGV attire 1 million de voyageurs en plus par rapport aux scénarios les plus optimistes. Mais elle n’est pas saturée en termes de circulation de trains.

Quels sont les autres arguments ?

Le deuxième point, c’est l’urgence climatique, et il y a une forte attente. Il faut développer le train et je ne comprends pas que la France soit aussi en retard sur l’investissement ferroviaire, elle investit seulement 45 euros par habitant dans le réseau, contre 125 en Allemagne, et plus de 150 en Grande-Bretagne. Au point que les Régions sont obligées de prendre le relais, mais sans avoir les ressources en face.

Que vous inspire le profil de l’opérateur Le Train ?

Je n’avais jamais rencontré de start-up qui créait une entreprise ferroviaire. On peut créer un médicament, un logiciel, mais créer une compagnie qui d’emblée est obligée d’utiliser un parc de trains important, c’est en soi un défi intellectuel et économique. Même si je joue le rôle de facilitateur, globalement, les responsables font très bien le job eux-mêmes. Les milieux économiques et bancaires se sont agrégés pour accompagner cette initiative. Elle peut apporter un plus. Aujourd’hui, aller à Nantes depuis Bordeaux, c’est très compliqué, monter en Bretagne, c’est très compliqué. Or il existe des opportunités d’utiliser les lignes et des sillons disponibles. Et imaginons que demain la LGV Tours-Bordeaux se poursuive en direction de l’Espagne ou de Toulouse, ce pour quoi je milite, nous serons alors la seule Région à avoir une épine dorsale ferroviaire de ligne à grande vitesse.

Soutenir des start-up du rail, est-ce un acte de défiance vis-à-vis de la SNCF ?

Non, simplement Le Train, Kevin Speed, Midnight Trains, etc., tous ces nouveaux opérateurs vont l’amener à repenser son organisation, à repenser ses services. Le Train va faire de la moyenne distance, alors que la SNCF fait ce qu’on appelle des bolides, des trains directs sur longue distance. Le raisonnement d’Alain Getraud, directeur général de Le Train, est intéressant : plus j’occupe les sillons, plus la SNCF reçoit de péages, plus elle investit pour la maintenance.

Croyez-vous aussi à RailCoop qui, entre Bordeaux et Lyon, ne semble pas proposer de rupture de service par rapport à la SNCF ?

J’aime bien ces nouveaux opérateurs parce que je ressens, lorsque je vais sur le terrain, en Limousin, et un peu partout, un besoin de service ferroviaire, pour les jeunes pour les familles, pour aller à l’école ou chez le médecin…

Le monde économique avec ces nouveaux opérateurs, comme les entreprises, ce sont des êtres vivants. Et dès le départ, il faut être à leur écoute et les accompagner avec notre expertise.

En matière de TER, la plupart des Régions de gauche ont choisi de prolonger les conventions avec la SNCF jusqu’à limite, ce qui n’est pas le cas de la Nouvelle-Aquitaine. Pourquoi ?

Je pense que dans la réalité, aucune des Régions que vous appelez « de gauche » ne se prive de la possibilité de mettre en concurrence la SNCF en cours de convention. Les Régions qui veulent aller le plus vite, comme Paca et les Hauts-de-France, sont celles où le service est le plus mauvais. En Nouvelle-Aquitaine, nous avons des taux de fiabilité de plus de 90% (même si, malheureusement pour quelques lignes, ce taux est en dessous de 80%). Nous ne sommes donc pas particulièrement pressés d’ouvrir, mais on ne veut pas aller jusqu’au bout du délai.

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