À Bagnères, CAF transforme l’héritage ferroviaire en tremplin industriel

26 05 2025 | Actualités

A Bagnères-de-Bigorre, en deçà des Pyrénées, CAF fait du neuf sur du vieux. En attendant du neuf sur du neuf ?  En présence du préfet, d’élus, de clients etc., le constructeur ferroviaire qui réalise 200 millions d’euros de chiffre d’affaires en France, a inauguré le 21 mai un bâtiment de réception des matériels roulants.

Les clients viennent y prendre livraison de leur commande, comme la métropole de Montpellier avec ses tout premiers trams. « C’est la dernière étape d’un investissement industriel de 10 millions d’euros que nous avons réalisés depuis 2022 en ajoutant notamment deux lignes de production sur ce site qui est ancien et contraint » souligne Alain Picard le président de CAF France.

Ce n’est pas du luxe car « un des bâtiments de stockage s’est d’ailleurs effondré » pointe-t-il, signalant au passage un angle mort des politiques publiques : « On fait tout pour attirer de gigafactories, mais quels sont les dispositifs pour soutenir une entreprise qui réindustrialise sur de l’existant ? »

Pour fêter le renouveau de Bagnères, l’entreprise a fait peindre sur l’antique mur en brique devant un rond-point, une fresque avec l’estampille CAF qui retrace l’histoire du lieu. Réalisée par le grapheur Enzo, elle fait le lien entre les débuts du site Soulé en 1862, et le présent qui a démarré avec son acquisition en 2008 auprès de CFD. L’industriel, dont la maison-mère est implantée au-delà des Pyrénées à Beasain (Pays basque espagnol) entend être mieux intégré et davantage connu, même des Bigourdans. « Certains ne savaient même pas qu’on faisait des trams ici » pointe Alain Picard.

« On reçoit souvent des courriers adressés à la Caisse d’allocation familiales. Les gens nous confondent avec la CAF » s’amuse Laurent Cazeaux, le directeur commercial dans l’hexagone. L’établissement ne fournit pas de prestations sociales, mais du travail à 225 salariés dont les effectifs étaient tombés à peau de chagrin. Le cap de 250 est prévu cette année.

Car les perspectives sont bonnes. Outre celui de Montpellier, Bagnères commence à produire le tram de Marseille issu lui aussi de la plateforme Urbos, elle vient d’engranger un contrat avec Tours et croise les doigts pour être choisie par Grenoble. En attendant, le site a hérité du contrat du tram de Rome confié par Beasain. Il termine aussi des locotracteurs pour la RATP.

Paradoxalement, le rachat à Alstom de l’usine de Reichshoffen en 2022 a soulagé Bagnères-de-Bigorre au bord de la saturation. CAF a pu aiguiller la réalisation des contrats de trains (les rames Oxygène pour les lignes Intercités Paris-Clermont/Paris Limoges et de RER B.) vers l’Alsace, Bagnères se spécialisant sur le tram.

A l’origine, CAF promettait à ses clients ferroviaires de pouvoir tout caser au chausse-pied sur les 40 hectares. Un pari industriel qui aurait sans doute été très difficile à relever sans une délocalisation partielle du contrat à Baesain, faisant à terme courir à CAF un risque également commercial en France. En vertu d’une règle tacite, gare à celui qui ne transforme pas l’argent public des commandes en emplois sur le territoire national, il risque de ne plus décrocher de contrat.

Grâce à Reichshoffen, CAF a pu laisser tomber le projet très compliqué de réouverture de la ligne Bagnères-Tarbes. Elle aurait été nécessaire pour évacuer par rail les trains sortant de l’usine, alors que les trams peuvent partir en convois routiers. Sur une vingtaine de millions d’euros budgétés, l’Etat devait en verser quelques-uns tout comme l’Occitanie et d’autres partenaires. « Mais, entre le montage et les questions techniques, cela aurait pris un temps fou » souligne-t-on. D’autant que la voie qui connecte l’usine au réseau ferré passe sur la chaussée et traverse ensuite un parc.

« A moyen terme Bagnères-de-Bigorre n’a pas besoin de raccordement mais ce serait un atout pour plus tard pour faire du train léger » avance le patron de CAF France, seul concurrent d’Alstom en France, qui a en tête le projet de train léger innovant TELLi piloté par la SNCF avec des subsides de l’Etat.

Marc Fressoz

 

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