Vignette Crit’Air : L’ambiguïté de la ZFE à Montpellier
À Montpellier, la Zone à faibles émissions (ZFE) s’apprête à franchir une étape décisive dès le 1er janvier 2025. En effet, cette date marque l’interdiction de circulation pour les véhicules arborant la vignette Crit’Air 3 dans la ville et dix communes environnantes. Une mesure drastique, nécessaire pour accélérer la transition vers des mobilités plus propres, mais qui soulève de nombreuses inquiétudes, notamment sur la faisabilité de son application.
Lors du conseil de Métropole de Montpellier, tenu le 8 octobre 2024, le sujet a été abordé à l’occasion de l’examen du plan de mobilités à l’horizon 2032. Au cœur des discussions, la question de l’impact de la ZFE sur les habitants, en particulier ceux qui n’ont pas les moyens de changer de véhicule. Hervé Martin, élu communiste faisant partie de la majorité, a plaidé pour un moratoire sur l’interdiction des véhicules Crit’Air 3. Selon lui, cette mesure concernera près de 30 000 véhicules immatriculés à Montpellier et 50 000 dans la métropole, principalement des voitures diesel datant d’avant 2011 et des voitures essence antérieures à 2006. Il a insisté sur le fait que « beaucoup n’ont pas les moyens de changer de voiture », mettant en exergue l’impossibilité pour certains de se procurer un véhicule Crit’Air 1 ou 2 d’occasion dans les mois restants avant l’entrée en vigueur de la ZFE.
La problématique soulevée n’est pas sans rappeler les tensions sociales qui accompagnent souvent les transitions écologiques. Certains résidents, dépendants de leurs voitures pour leurs déplacements quotidiens, risquent de se retrouver pris au piège d’une réglementation qui, selon Martin, ne fait qu’aggraver les inégalités entre ceux qui ont les moyens de s’adapter et les autres.
Face à cette pression, le président de la Métropole, Michaël Delafosse, a tenté de rassurer les élus et les citoyens. Tout en affirmant son engagement à « favoriser les déplacements décarbonés », il a laissé entrevoir une certaine souplesse quant à l’application des sanctions. Delafosse a évoqué la mise en place de dérogations spécifiques, notamment pour les professionnels, les petits rouleurs ou encore les artisans. Mais la surprise est venue de ses déclarations sur les contrôles. À deux reprises, il a affirmé qu’il n’y aurait « pas de contrôles », semant ainsi le doute sur la rigueur avec laquelle la mesure sera appliquée.
Cette prise de position a immédiatement fait réagir dans l’hémicycle. Laurent Jaoul, maire de Saint-Brès, s’est empressé de demander des éclaircissements : « Vous avez dit pas de contrôles, mais concrètement cela va fonctionner comment ? » L’interrogation est légitime, car les verbalisations pour non-respect de la ZFE relèvent normalement de l’autorité de l’État, et non de la Métropole. Mais Delafosse, tout en confirmant l’absence de contrôles, a préféré éluder la question, promettant de revenir sur ce sujet en conférence des maires.
Cette ambiguïté risque de susciter des réactions contrastées. D’un côté, les automobilistes concernés seront probablement soulagés d’apprendre qu’ils ne risquent pas d’être verbalisés, du moins à court terme. De l’autre, cette annonce pourrait être perçue comme une atteinte à la crédibilité même de la ZFE, un dispositif pourtant crucial pour la réduction des émissions polluantes dans les zones urbaines.
La situation révèle un dilemme auquel sont confrontées de nombreuses métropoles en France : comment concilier les objectifs de décarbonation des mobilités avec la réalité sociale des territoires ? Si la transition énergétique est une nécessité indéniable, elle ne peut se faire sans tenir compte des disparités économiques entre les habitants. À Montpellier, la solution semble pour l’instant pencher vers une certaine tolérance, au risque de vider de son sens une mesure qui, pour être pleinement efficace, aurait besoin d’un cadre strict et de moyens de contrôle robustes.
Néanmoins, la prise de position de Michaël Delafosse pourrait bien n’être qu’une phase transitoire, destinée à calmer les tensions tout en laissant le temps aux habitants de s’adapter aux nouvelles règles. L’avenir nous dira si cette souplesse annoncée sera maintenue, ou si, au contraire, la Métropole décidera de renforcer progressivement les contrôles, une fois que les alternatives de mobilité durable seront véritablement en place.
En attendant, la ZFE de Montpellier continue de faire débat, non seulement sur son principe, mais aussi sur ses modalités d’application. Il semble que la route vers une mobilité décarbonée soit encore semée d’embûches, entre impératifs écologiques et réalités sociales, un équilibre délicat que la Métropole devra ajuster dans les mois à venir.
Pierre Lancien