Stéphane Guenet
Stéphane Guenet
Directeur général de la CFTR

« La RSE c’est formidable pour écrire une page supplémentaire pour le groupe »

Mobily-Cités : Votre groupe est composé de filiales comme LACROIXSAVAC, Grisel, VFD, Autocars Maisonneuve etc. qui ont chacune leur histoire, est-ce simple de concevoir une politique RSE ?

 

Stéphane Guenet : La CFTR qui compte aujourd’hui 3 450 salariés s’est développée par l’acquisition d’entreprises régionales aux cultures variées. La RSE est un formidable vecteur pour intégrer et écrire ensemble une page supplémentaire et profitable. C’est un point essentiel apparu dès le rachat de la première entreprise, VFD, qui venait du monde de la régie avec lequel nous n’étions pas familiers. Au début, il faut se trouver des points communs, des préoccupations communes et la RSE été une véritable facteur d’intégration, de mélange de culture et l’occasion de tendre toutes ces populations vers un objectif commun, le développement, la qualité de vie au travail pour nos salariés et la qualité de service pour nos autorités organisatrices. A partir du moment où nous avons compris cela, et à mesure que nous nous sommes constitués, que nous avons grandi, nous nous sommes structurés avec maintenant une direction centrale, en place depuis 2020, dont le rôle est de diffuser la RSE et de faire progresser chaque filiale à son rythme. C’est cela, l’ADN de la CFTR.  

 

Alexandre Ignace, vous êtes justement responsable de la RSE, comment procédez-vous ? 

Alexandre Ignace : Aux différentes entreprises composant CFTR et qui avaient déjà entrepris une démarche en matière de RSE, nous apportons un cadre à la fois plus global et plus précis. C’est l’objet de notre démarche de labellisation RSE entamée il y a un an et qui s’étend progressivement à toutes les structures d’exploitation. Cette labellisation approfondit une première étape entamée en 2020-2021, avec une approche plus processée. VFD a été la première à en bénéficier, obtenant son label 2 étoiles (Certification ISO 26000) il y a quelques mois. Il correspond à un engagement pris sur trois ans avec une démarche de progression et des animations à mettre en place. Puis ce sera au tour de Grisel et Savac l’année prochaine. Une bonne utilisation des outils de la RSE permet d’embarquer les salariés dans le projet, dans l’entreprise.

 

Quelle part d’autonomie laissez-vous aux filiales en matière de recrutement ? 

Stéphane Guenet : Notre ancrage territorial étant très fort, nous leur accordons une grande autonomie pour recruter selon les particularités locales. En Seine-et-Marne, où la population féminine éprouve parfois du mal à trouver un emploi, nous avons organisé, avec France Travail, une opération de recrutement 100 % féminin. Cela a très bien fonctionné, le taux de féminisation de notre filiale dépasse maintenant 30%, un taux supérieur à la moyenne de notre métier, avec un bon niveau de fidélisation. Autre exemple en Normandie, où nous avons donné davantage de liberté aux salariés rencontrant des problèmes de garde d’enfant. Nous avons même géré une crèche dans une petite ville, au point qu’on parle des bébés Grisel ! En Île-de-France, nous venons d’intégrer un salarié qui est PMR comme conducteur, symbole d’une politique volontariste à destination des personnes en situation de handicap.

Pour limiter l’absentéisme, quels sont les autres leviers ?

Stéphane Guenet : Nous accordons des facilités aux collaborateur pour échanger les services. Nous cherchons à déterminer les profils des salariés pour connaître leur besoin dans leur économie ménagère. On améliore ainsi la qualité de vie au travail, les conducteurs sont plus réceptifs pour gérer le flux de circulation à l’extérieur et le flot de passagers à l’intérieur, les enfants turbulents le matin. La baisse du taux d’intérim témoigne de la réussite de cette politique. Cette symétrie des attentions se répercute également sur les indicateurs de qualité de nos filiales. A titre d’illustration, la majeure partie de nos réseaux gérés pour le compte d’Île-de-France Mobilités génèrent des bonus, en lien avec la bonne perception par les usagers.

 

En quoi avez-vous infléchi votre politique de recrutement ?

Stéphane Guenet : Nous réservons désormais jusqu’à deux ans à l’avance des places dans les différentes de centres de formation. Nous misons sur la formation en alternance pour les métiers de la conduite mais encore davantage pour ceux de la maintenance, car nous anticipons une pénurie de compétences à ces niveaux.

 

La RSE, c’est aussi la transition énergétique de votre flotte de bus et d’autocar, quels choix avez-vous faits ? 

Stéphane Guenet : Notre stratégie de décarbonation repose sur deux énergies de transition, le gaz et la HVO, en attendant d’aller vers le tout-électrique. Nous avons conclu des partenariats locaux dans des zones rurales, notamment dans le Forez pour privilégier le bioGNV. En Normandie, notre filiale Grisel a expérimenté l’utilisation du HVO pour les bus scolaires, en remplacement du gazole. Cela nous a permis d’établir que cette solution peut être envisagée à plus grande échelle. Nous étions prêts pour ce grand moment qu’ont été les JOP Paris 2024 où IDFM a demandé à toutes nos filiales de rouler au HVO. Cette énergie est de plus en plus répandue en Auvergne-Rhône-Alpes, Île-de-France et Normandie. Le HVO permet de répondre à un vrai enjeu pour les entreprises installées en milieu périurbain, souvent éloignées d’infrastructures de recharge. À Gisors, l’hydrogène, le gaz et l’électrique ne sont pas accessibles. Le HVO constitue donc la meilleure alternative actuellement.

Alexandre Ignace : La réduction de CO2 est de 80% par rapport au gazole. C’est un produit fait à partir du recyclage d’huiles usagées, ou de graisse animale. Il n’y a pas d’extraction, ce qui explique son très grand pouvoir de décarbonation. 

 

Dans quelle mesure votre choix tient-il compte de vos clients ?

Stéphane Guenet : Nos politiques d’investissement dans les flottes obéissent à deux principes. Elles tiennent d’abord compte des orientations fixées par les autorités organisatrices. Par exemple, lors du lancement de la CFTR, la région Auvergne-Rhône-Alpes avait opté pour le gaz. Nous nous sommes adaptés, en acquérant une compétence pour pouvoir conseiller nos clients de façon aussi objective que possible. Il en va de même pour l’électrique et l’hydrogène. Après avoir été pionnier avec Savac en 2019 en exploitant un véhicule à hydrogène en Ile-de-France, nous allons mener une nouvelle expérimentation avec le SMMAG à Grenoble qui mêle énergie nouvelle et retrofitage.

Et puis le second principe, c’est le pragmatisme. On ne trouve pas des infrastructures de recharge partout et la réalité des appels d’offre, qui privilégient souvent le critère prix, est un autre facteur important. Trouver le meilleur compromis entre être vert et moins cher n’est pas simple, une entreprise privée n’a pas le droit de perdre de l’argent. L’industrialisation va faire progressivement baisser le prix des véhicules aux énergies alternatives. Mais il faut être sûr de la nouvelle énergie décarbonée vers laquelle on s’oriente, et ça c’est un autre sujet.

 

S’il fallait résumer l’apport de cette politique, que diriez-vous ?

Stéphane Guenet : Nous pensons qu’une politique de RSE est profitable à tous puisqu’elle contribue au développement durable de l’entreprise au sens le plus large. La première responsabilité d’un dirigeant, c’est d’avoir une entreprise qui est économiquement viable et la RSE y contribue. Elle permet de poser des pierres pour avoir un développement de plus en plus vertueux sur le plan environnemental en réduisant notre impact, bien sûr, tout en attirant et en fidélisant nos collaborateurs. L’engagement social, l’implication des collaborateurs dans notre projet entrepreneurial est un pilier de notre politique RSE et axe majeur de la stratégie générale de la CFTR.

 

Propos reccueillis par Marc Fressoz

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