« L’objectif des politiques publiques de mobilité n’est pas d’assurer les modèles économiques des différents acteurs »
Président du Conseil scientifique de France Mobilités depuis septembre 2023, Jean Coldefy est un pourfendeur des idées reçues en matière de mobilité, et n’hésite pas à appuyer là où cela fait mal. Une attitude qui doit à son approche résolument cartésienne et pragmatique, dans un souci permanent de privilégier l’efficacité de l’action publique.
Propos recueillis par Sandrine Garnier
Mobily-Cités : Pouvez-vous nous rappeler le rôle de France Mobilités et de son Conseil scientifique
Jean Coldefy : Lancée par Elisabeth Borne, alors ministre des Transports, France Mobilités s’inscrit dans la dynamique des Assises de la Mobilité de 2017, et vise à faire partager les actions de mobilités mises en œuvre dans les territoires, via une plateforme de recensement des projets. Le Conseil scientifique a vocation à évaluer ces initiatives, de manière à mieux comprendre ce qui fonctionne, ou pas, et à faire des recommandations à destination des politiques publiques.
Comment le Conseil est-il composé et comment fonctionne-t-il ?
Le Conseil scientifique de France Mobilités est composé d’une dizaine de membres issus du Laboratoire Aménagement Economie des Transports (LAET), de l’Université Gustave Eiffel, du Cerema, de l’ATEC (Martial Chevreuil et moi-même), ainsi que de la DGITM. Nous nous réunissons a minima une fois par trimestre afin de déterminer notre programme de travail, et de partager nos résultats. Les thématiques sont choisies en fonction de ce qui apparait comme opportun à évaluer, soit en lien avec l’actualité, par exemple le covoiturage, soit parce qu’il semble au conseil scientifique que ce soit des actions à renforcer. Ainsi le conseil scientifique a rendu en 2020 un rapport d’analyse de l’efficience des services de cars express, en proposant d’élargir ce type de services.
Quelles sont les thématiques de vos derniers travaux ?
Nous avons procédé par exemple à une analyse des services de mobilité sur la base des coûts d’évitement du carbone et de la quantité de CO2 évitée. Nos travaux les plus récents ont porté sur le covoiturage et le potentiel pour les transports en commun entre le périurbain et les agglomérations avec une évaluation de la demande sur les 53 aires urbaines les plus importantes, hors Ile-de-France. Le besoin potentiel est de 10 millions de trajets, à comparer à une offre TER actuelle de 1,8 million de sièges un jour ouvré. Selon les territoires, le rapport varie de 1 à 2 à 1 à 20. Nous allons également approfondir les réflexions sur l’efficience des politiques publiques de covoiturage, en complément des travaux que nous avons menés en 2020. Il s’agit là encore d’évaluer précisément l’efficacité de l’argent public apporté à ces services pour réduire les émissions carbones liées aux déplacements. Nous travaillons également sur le fret et la logistique urbaine. L’objectif des politiques publiques de mobilité n’est pas d’assurer les modèles économiques des différents acteurs, mais bel et bien de soutenir les solutions de déplacements susceptibles de contribuer le plus efficacement possible à la neutralité carbone. Et pour mieux accompagner les collectivités et les acteurs dans leurs choix, nous allons leur proposer en 2024 un outil de référence pour le calcul du coût des émissions de carbone évitées.