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Les mobilités au cœur des enjeux urbains et internationaux : entre pressions, opportunités et nouvelles perspectives

Alors que nous vivons une époque de transformation radicale dans les mobilités, il devient impératif de prendre la mesure des défis auxquels est confronté le secteur du transport routier de voyageurs (TRV) en France et en Europe. Ce secteur, qui a longtemps été un pilier de la mobilité interurbaine, se retrouve aujourd'hui à une croisée des chemins, tiraillé entre des exigences économiques, environnementales et politiques. Mobily-Cités vous propose un regard éclairé sur les bouleversements qui marquent cette industrie et sur les solutions envisageables pour un avenir durable.

Les gares routières : actrices incontournables d’une mobilité inclusive

Au cœur de ces mutations se trouvent les gares routières, véritables plaques tournantes des déplacements interurbains et internationaux. Elles assurent une fonction essentielle dans l'écosystème de transport, facilitant les correspondances et offrant une alternative abordable aux autres moyens de transport comme le train ou l’avion. Toutefois, ces infrastructures font face à de nombreuses contraintes, en particulier celles liées à la pression foncière dans les centres-villes. Avec l’augmentation constante de la valeur des terrains urbains, de plus en plus de gares routières peinent à maintenir leur emplacement stratégique. Ces lieux, qui devraient être des espaces de rencontre et de transit, sont parfois réduits à des options peu viables ou déplacés à des périphéries moins attractives.

La valeur foncière croissante exerce une pression inédite sur les gares routières, transformant certains espaces en opportunités de développement commercial ou résidentiel, au détriment du service public. Cette dynamique affecte non seulement les entreprises privées exploitant ces gares, mais aussi les voyageurs qui voient les prix augmenter ou les services se raréfier. Le phénomène de fermeture de gares ou de leur transfert hors des centres-villes, souvent à cause de considérations économiques ou politiques, constitue une véritable menace pour la continuité des services publics de transport.

Décisions locales et sous-financement : Les gares routières en péril

Les décisions locales, bien qu’indispensables dans le cadre d’une gouvernance de proximité, posent-elles aussi problème. Le manque de moyens financiers dédiés au développement et à la modernisation des gares routières en est un exemple flagrant. Les autorités locales, contraintes par des budgets souvent limités, se retrouvent à prioriser d'autres projets d’infrastructure, laissant ces pôles de transport en déclin. Cette absence d’investissement se manifeste par la dégradation progressive des infrastructures : salles d'attente vétustes, manque de services de base comme des toilettes propres ou des points de restauration, et plus largement, une expérience de voyage qui se dégrade.

Les gares sans soutien financier via des Délégations de Service Public (DSP) traversent des périodes de turbulences majeures. Celles accueillant principalement des Services Librement Organisés (SLO) ou des lignes internationales low-cost sont particulièrement touchées. Faiblement soutenues par les pouvoirs publics, elles dépendent presque exclusivement des revenus générés par les opérateurs privés, ce qui fragilise leur viabilité économique. Cette situation crée une instabilité qui se traduit souvent par des fermetures temporaires ou permanentes, perturbant ainsi les réseaux de transport et contraignant les voyageurs à chercher des alternatives moins accessibles.

Vers une transition écologique : L’autocar face aux exigences environnementales

Le secteur du transport routier de voyageurs n'échappe pas aux enjeux écologiques qui se posent aujourd’hui à tous les niveaux. L’électrification des flottes et l'utilisation de carburants alternatifs tels que le bioGNV ou l’hydrogène représentent des pistes essentielles pour réduire l'empreinte carbone du secteur.

Les contraintes liées aux coûts élevés des nouvelles technologies, à la nécessité de créer des infrastructures adaptées, ainsi qu'à la lenteur de certaines décisions politiques, freinent encore l’essor de ces innovations. Toutefois, les efforts sont notables, et il est encourageant de voir des acteurs du secteur s’engager de manière proactive dans des solutions plus durables. Cela étant, il faudra des investissements publics massifs pour rendre cette transition accessible à l’ensemble des opérateurs et garantir un déploiement efficace sur tout le territoire.

Loi d’orientation des mobilités (LOM) : entre réalité et ambitions inabouties

La Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) est venue encadrer les grandes lignes de cette transition, en mettant notamment en avant des initiatives visant à promouvoir une mobilité plus durable. Cependant, bien que la LOM impose des standards en matière d’accessibilité et de services, les lacunes sont encore nombreuses. Par exemple, les gares routières minimalistes, souvent utilisées par les services low-cost, offrent peu de commodités : salles d’attente réduites, absence de sanitaires adaptés, manque d’espace pour les vélos. Cette situation peut rapidement décourager les voyageurs et rendre l’autocar moins compétitif par rapport aux autres modes de transport, tels que le train ou l’avion.

Il est crucial que les gares routières, pour rester attractives et compétitives, se modernisent et s’adaptent aux nouvelles exigences des voyageurs : stationnements sécurisés pour les vélos, informations claires et accessibles, installations modernes et services diversifiés. La LOM constitue une avancée législative, mais son application effective reste limitée par des moyens financiers souvent insuffisants.

L’internationalisation des services et le défi des gares en périphérie

Enfin, il est nécessaire d’aborder la question de l’internationalisation des lignes d’autocar. Si la France est encore jeune dans l'organisation des SLO, comparée à d’autres pays européens comme l’Allemagne ou l’Espagne, elle présente un fort potentiel de développement. L'attribution de codes IATA aux gares routières, facilitant ainsi la réservation de billets combinés autocar/avion, illustre bien cette volonté de s'inscrire dans un réseau de transport global. Cependant, pour que ces initiatives réussissent, il est impératif d’investir davantage dans les infrastructures des gares routières, afin qu’elles puissent accueillir un volume de voyageurs international croissant dans de bonnes conditions.

Les gares routières, piliers d’un réseau multimodal à consolider

La pérennité des gares routières ne peut être assurée que par une intégration renforcée dans les pôles multimodaux. Ces hubs, où convergent bus, métros, trains et autocars, représentent l'avenir de la mobilité en France et en Europe. En facilitant les correspondances entre différents modes de transport, ces pôles offrent une véritable alternative aux déplacements tout-voiture, tout en optimisant le temps de trajet des voyageurs. L'exemple de certains pays européens, où les gares routières sont des modèles d'efficacité et de service, peut inspirer la France à moderniser ses infrastructures et à redonner une place centrale à l’autocar dans l’offre de transport.

Le secteur du transport routier de voyageurs est à l’aube d’une transformation majeure. La concurrence accrue, la pression foncière, les exigences environnementales et la transition énergétique forcent les acteurs du marché à repenser leur modèle. Si les défis sont nombreux, les opportunités le sont tout autant. À condition de disposer d’un soutien fort des pouvoirs publics, d’investissements dans les infrastructures et d'une volonté politique réelle, le TRV a toutes les chances de redevenir un acteur central et durable de la mobilité du XXIe siècle.

Camille Valentin

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