« Pas de rupture technologique et un faible impact sur le TCO »
Compatible avec la majeure partie des véhicules, le B100 séduit de plus en plus de professionnels. Saipol, filiale du groupe Avril qui produit et commercialise son biocarburant à base de colza français, domine le marché. François de Baillenx, directeur commercial collectivités, et Guillaume Bignier, responsable stratégie et marketing, détaillent les atouts d’Oleo 100.
Philippe-Enrico Attal
Dans le domaine des biocarburants, le groupe Avril s’impose comme un acteur majeur de la filière avec son Oleo 100. Le B100, qui comporte 100% de bioéthanol, est compatible avec la plupart des véhicules de transport diésel. Une transition vers les biocarburants simple et à moindre frais pour réduire d’au moins 60% les émissions de CO2. Comme l’explique François de Baillenx, directeur commercial collectivités Oleo 100 : « Avril est à la 5e place des groupes agroalimentaires français. Société en commandite issue du monde agricole, ses bénéfices sont reversés intégralement dans la filière. Le grand public nous connait à travers les marques Puget et Lesieur. L’activité principale du groupe est de récolter et de transformer les produits, avant d’en assurer la distribution. » Ces « produits » issus du colza, ce sont pour l’essentiel des protéines végétales destinées à l’alimentation animale. Mais la matière n’est que partiellement utilisée, et il reste environ 45% qui sont transformés en huiles. De l’huile alimentaire notamment, mais seulement dans une faible part, les Français n’étant pas très amateurs de colza. « Autrefois, les excédents étaient expédiés en Asie, mais depuis les années 90, ils sont transformés en biocarburant par Saipol, une filiale du groupe Avril, précise François de Baillenx. Cette opération permet de valoriser 100% de la récolte. Une production qui ne vient pas en concurrence avec les récoltes alimentaires. Il s’agit au contraire de valoriser des résidus qui ne l’étaient pas ou qui l’étaient mal auparavant. Le colza est une culture de rotation, on ne le produit pas deux années de suite sur la même parcelle. » A la différence en effet de l’huile de palme, qui pour sa production, entraîne un important mouvement de déforestation, le colza n’a pas de conséquences négatives sur l’environnement. « C’est un produit local et vertueux », ajoute François de Baillenx.
Responsable stratégie et marketing – Oleo 100
TOUS LES BUS ET CARS JUSQU’À LA NORME EURO 5 SONT COMPATIBLES
Aujourd’hui, une partie des huiles est donc transformée en B100, un bioéthanol 100% végétal et donc renouvelable. Preuve de son indéniable intérêt, le B100 gagne du terrain. Guillaume Bignier, responsable stratégie et marketing Oleo 100 poursuit : « 12 000 véhicules circulent à l’Oleo 100. Chez Renault, un véhicule neuf de catégorie poids lourds sur deux est compatible Oleo 100. Dans la flotte voyageurs, le déploiement est constant, poussé par la législation. »
Sur ce point, on peut tout de même s’étonner de la discrétion des opérateurs de transport public. Alors que les bus à gaz, électriques ou hydrogènes font l’objet d’une large communication, bon nombre de réseaux roulant à l’Oleo 100 n’en font aucune mention auprès des voyageurs. « Ce n’est pas très vendeur auprès du grand public, explique François de Baillenx. Cela fait passer un autre message, celui que l’on continue à rouler en thermique, même si le bilan carbone du B100 est bon. »
Dans le domaine des émissions de CO2, il y a en effet une très grande part de communication. Pour le grand public, l’impact de l’électrique ou de l’hydrogène est supérieur à celui du bioéthanol. « Le B100 est compatible avec les parcs existants. Dans l’absolu, il peut être utilisé avec tous les moteurs diésels. D’ailleurs, plus le véhicule est ancien, plus c’est simple », ajoute Guillaume Bignier.
Pour être exact, tous les bus et cars jusqu’à la norme Euro 5 sont d’emblée compatibles. Pour les Euro 6, il faut disposer d’un moteur adapté que proposent désormais des constructeurs comme Renault, mais aussi Volvo ou MAN. Iveco a décidé de s’y mettre à son tour, avec un car scolaire. Mercedes, en revanche, s’y refuse encore.
CUVES CONNECTÉES
« Si le constructeur veut faire rouler ses véhicules, il faut les faire homologuer. C’est cher et ça explique la stratégie inverse de certains industriels qui savent qu’il y a un marché hors biocarburants, puisque l’ensemble du parc de poids lourds, bus et cars ne roulera pas intégralement au B100 », déclare Guillaume Bignier. Effectivement, les biocarburants apparaissent encore comme une énergie de transition, permettant de décarboner à moindre coût en attendant de pouvoir proposer d’autres types de carburants. « Aujourd’hui en France, on compte 600 000 véhicules poids lourds, autocars et autobus. Aucune énergie ‘propre’ ne pourra tous les faire rouler. 30 000 circulent au biogaz, 12 000 à l’Oleo 100, cela signifie qu’il en reste encore 550 000 qui s’alimentent au gazole.
L’avantage du B100 est qu’il permet une décarbonation rapide avec des techniques qui sont maitrisées par les exploitants », ajoute-t-il. « Notre énergie ne demande pas d’investissements. Pour un camion neuf de 100 000 €, le surcoût lié au B100 est de 5 000 €, le tout sans rupture technologique. L’impact sur le TCO n’est que de 5% », complète François de Baillenx. Restent peut-être des freins techniques comme l’obligation de disposer de ses propres cuves de B100, qui n’est pas disponible à la pompe. Un argument vite balayé : « Les approvisionnements de nos clients sont sécurisés. Nous mettons à leur disposition gratuitement des cuves connectées qui nous renseignent sur les niveaux de consommation. Grâce à nos trois sites de production répartis à travers la France (à Bassens, Le Mériot et Grand Couronne), nous pouvons venir réapprovisionner dès que cela est nécessaire ». Une sécurité des approvisionnements qui intervient en dehors des aléas du marché. « On contractualise des quantités pour nos clients avec un prix fixe. C’est rassurant dans un contexte international mouvementé », indique François de Baillenx.
Autant de raisons qui expliquent la croissance constante de la production d’Oleo 100. De 120 000 m3 l’an passé, on devrait atteindre les 190 000 m3 en 2025. Le nombre de clients suit la même progression en passant de 20 en 2018 à… environ 1 500 aujourd’hui. Cette forte augmentation devrait permettre d’atteindre d’ici à 2030, les 400 000 m3 de B100. « Un plafond, assure François de Baillenx. Pas question d’importer du colza pour augmenter nos volumes. Ce n’est pas notre objectif, qui est à la base, de trouver des débouchés aux productions françaises ».