Auditionnés le 22 mars par les Commissions du Développement durable et des Finances de l’Assemblée nationale, les ministres de l’Economie, Bruno Le Maire, et des Transports, Clément Beaune, ont fait le point sur l’avenir des concessions autoroutières. En pleine polémique sur la sur-rentabilité des contrats, les deux ministres ont tenu a rappelé les raisons du choix du mode de gestion des autoroutes et de son évolution depuis les années 1950. Une tentative de désamorcer les critiques alors que le rapport commandé en 2020 par Bruno Le Maire à l’Inspection générale de l’Environnement et du Développement durable (IGEDD) a fuité peu à peu dans la presse. Pour le ministre de l’Economie, le recours aux concessions reste totalement justifié, et s’explique par le rôle de l’Etat dans l’impulsion des grands programmes d’infrastructure ou d’énergie : se substituer au secteur privé pour investir et «amorcer la pompe» quand la rentabilité est insuffisante, et assurer par la suite un rôle de régulateur. Après des années de faible rentabilité, la privatisation des concession autoroutières a donc été une «décision de bonne gestion» prise en 2006, estime-t-il. Il était alors directeur de cabinet du Premier ministre, Dominique de Villepin. Bruno Le Maire reconnaît une sous-estimation par les services de l’Etat de la rentabilité des concessions. Le taux de rentabilité interne (TRI) actionnaire atteint ainsi 11,7% pour ASF-Escota (Vinci), et même 12,5% pour APRR-Area (Eiffage), contre une estimation de 7,7% sur laquelle sont basés les contrats de concession. Le ministre reprend à son compte les préconisations de l’IGEDD destinées à «réaligner la rentabilité» des concessions les plus juteuses : un raccourcissement de la durée des concessions, assorti d’un ajustement des tarifs en fonction de la rentabilité des concessions. Pour ce faire, «nous saisirons le Conseil d’Etat», indique Bruno Le Maire. L’objectif pour l’Etat étant d’éviter de multiplier les contentieux, après avoir échaudé les sociétés concessionnaires avec la hausse de la taxe d’aménagement du territoire.
Alors que la fin des concessions les plus anciennes se profile en 2031, Clément Beaune annonce la mise en place d’une séquence de réflexion : les Assises sur l’avenir des concessions autoroutières devraient démarrer avant l’été. L’occasion d’associer élus, experts et économistes de tout bord pour débattre du périmètre et de la durée des futurs contrats, qui devront en même temps intégrer la dimension de la transition écologique (déploiement des bornes électriques, aires de covoiturage…) et conserver la capacité d’investissement indispensable au maintien du patrimoine autoroutier. Il faudra aussi dégager les pistes de financement pour les modes décarbonés comme le rail ou le fluvial, conformément au Plan présenté fin février par la Première ministre, Elisabeth Borne.
Sandrine Garnier